Liaison interdite

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Authors: Cleden

Tags: #Harlequin HQN

BOOK: Liaison interdite
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Laura pointa un mot sur l'écran en prenant soin de ne pas y mettre ses doigts : elle avait remarqué l'air crispé de Grégoire lorsqu'elle l'avait fait plus tôt. Cet étudiant de master qu'elle aidait en paléographie semblait du genre soigneux. De sa mèche brune qui retombait sur ses yeux verts à son jeans et sa chemise proprement repassés, tout en lui montrait une parfaite maîtrise de soi.

Si seulement tous mes étudiants pouvaient être ainsi…

Elle songeait à sa mésaventure de la semaine passée : un jeune homme qui n'avait pas cuvé sa dernière soirée s'était oublié sur le seuil de la classe. Ils avaient enduré une horrible odeur de vomi pendant les deux heures de cours suivantes. La rentrée avait bien commencé.

Secouant la tête, elle chassa ces pensées parasites et se concentra sur leur travail, le déchiffrage du testament d'un costumier du début du
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 siècle. Un des témoins était un comédien sur lequel portaient les recherches de Grégoire. La calligraphie du
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 siècle était particulièrement vicieuse.

– Je pense que ce mot est « tissu ».

Grégoire le prit en note, il n'avait rien de mieux à proposer.

– Je crois que j'aurais toujours pu essayer de deviner. En même temps, on a vu plus excentrique qu'un marchand de costumes qui garde des rouleaux de tissu chez lui !

Laura sourit à cette plaisanterie énoncée d'un ton pince-sans-rire. Décidément, elle ne regrettait pas d'avoir accepté de lui donner un coup de main.

Quand le chef du département d'histoire moderne lui avait imposé ces heures supplémentaires de travail, elle n'avait pas osé protester. Elle préférait encore cela aux dîners ambigus qu'il lui proposait parfois. Si elle ne voulait pas perdre son poste de chargée de TD, il fallait qu'elle suive ses ordres à la lettre.

Elle massa sa nuque un peu raide.

– Il y a quelque chose qui me choque dans ce document, pas toi ?

– Mis à part le fait qu'il est particulièrement illisible ?

– Oui, s'esclaffa Laura, mis à part ça, il y a très peu de références à la religion. D'habitude, les testaments en sont truffés, même s'ils étaient rédigés chez un notaire.

L'étudiant prit de nouvelles notes.

– Intéressant, il faut que je creuse la question et que je voie si mon comédien évoluait dans un milieu peu croyant.

– Pas facile à déterminer avec des documents notariés.

Les yeux perdus dans le vide, Grégoire demanda :

– À qui remettrais-tu ton âme dans ton testament ?

La question était plutôt personnelle, mais les deux heures passées en la compagnie du jeune homme avaient mis Laura en confiance. D'ailleurs, ils n'avaient pas tardé à se tutoyer.

– Je pense que la personne la plus indiquée serait La Mort, le personnage de Terry Pratchett.

Grégoire fronça les sourcils en signe d'incompréhension.

Il ne doit pas avoir ce genre de lecture. Il feuillette sans doute des manuels d'histoire et de philosophie à longueur de journée.

– C'est un personnage créé par un auteur de fantasy burlesque. Il vient récupérer les âmes à la mort de leur propriétaire et les emmène là où elles désirent aller, souvent en accord avec leurs croyances. Par exemple, après sa mort, un guerrier viking se retrouvera au Valhalla, au banquet des dieux.

– J'aime bien ce concept. Et toi, où tu irais ?

– Je resterais à Paris, je pense. Je pourrais aller dans tous les endroits secrets de la capitale.

Avec une grimace, Grégoire secoua la tête.

– Cette ville est trop grande, trop étourdissante, je préférerais un endroit plus calme. L'espace peut-être. Une petite météorite rien qu'à moi, avec un jardin à cultiver, comme le Petit Prince.

Laura étira ses membres ankylosés. Cette conversation lui plaisait. Elle n'avait aucune envie de rentrer chez elle, où elle trouverait sans doute encore l'appartement vide. Nicolas, son compagnon, ne pensait qu'à sa future promotion de commercial senior et rentrait tard, négligeant leur couple. D'ailleurs, ce n'était certainement pas avec lui qu'elle parlerait de la philosophie de la mort. Pour toute réponse, il la traiterait d'universitaire intello et allumerait la télévision. Grégoire reprit :

– C'est quand même difficile de faire un choix. Il y a tellement de théories sur l'au-delà. Certaines sont très séduisantes, celle du Valhalla parmi les premières d'ailleurs.

– Tu soutiens cette vision machiste de la mort où seuls les hommes trinquent tandis que les femmes les servent au banquet ?

Un demi-sourire éclaira son visage, lui donnant un air plutôt sexy.

– Tu n'as qu'à créer un endroit équivalent pour les femmes.

– Avec mes étudiants comme serviteurs.

Grégoire repoussa sa mèche en arrière.

– Je pourrais bien être ton esclave quelques heures en remerciement de ton aide pour mon mémoire.

Ils échangèrent un regard. Laura finit par détourner les yeux en rougissant.

Du calme ! C'est mon étudiant, et il a au moins cinq ans de moins que moi.

– Terminons de déchiffrer ces déliés rebelles, dit-elle.

Ils se concentrèrent de nouveau sur le document affiché sur l'ordinateur portable. La phrase suivante se montra particulièrement récalcitrante.

– Heureusement que la résolution de tes photos est bonne, remarqua Laura.

– Ce serait mieux d'avoir les vrais documents sous les yeux.

Elle comprenait très bien ce sentiment. Elle-même avait travaillé sur un chef de troupe théâtrale du
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 siècle, et elle adorait les longues heures passées à fouiller dans de vieux dossiers poussiéreux pour exhumer des documents touchés par les mains d'hommes ayant vécu des siècles auparavant. C'était émouvant. Et elle aimait partager ce sentiment avec quelqu'un d'autre.

Grégoire se pencha pour décrypter un terme et sa jambe frôla celle de Laura. Elle frissonna, mais ne la retira pas. Elle continua d'assister l'étudiant dans sa lecture, la gorge un peu nouée par cette intimité soudaine. Le reste du document consistait en formules protocolaires faciles à deviner pour qui était habitué à frayer avec les actes notariés. Ils terminèrent rapidement.

– Bon…, fit Laura.

– Bon…, renchérit Grégoire.

Trois coups interrompirent le silence qui s'installait entre eux. La porte s'ouvrit sur Georges, le gardien de nuit grassouillet.

– Vous êtes encore là ?

– On n'en a plus pour longtemps, dit Laura. Je passerai à la loge quand on aura fini.

– Pas de souci. Je vous ferai sortir.

Ils restèrent seuls dans la bibliothèque du département d'histoire moderne. Le local, de la taille d'une salle de classe, comportait une demi-douzaine de grosses tables de bois massif. Des étagères croulant sous les livres, anciens ou plus récents, couvraient tous les murs. Trois fenêtres en chien-assis s'ouvraient dans le toit d'ardoise, leur donnant une vue imprenable sur la cour de la Sorbonne.

Pendant que Grégoire rangeait son ordinateur, Laura s'approcha d'un des carreaux. La nuit tombait. Le parquet craqua sous les pas de Grégoire. Elle se retourna vers lui ; elle pouvait sentir son souffle sur son front :

– Quand je pense qu'on observait les étoiles depuis la Sorbonne, à l'époque moderne.

Grégoire haussa les épaules.

– C'est aussi pour ça que je serai mieux sur une météorite après ma mort, je verrai très bien les étoiles.

– Tu admettras de la visite sur ton île sidérale ?

Encore ce sourire séduisant. Ils débattirent du voyage dans l'espace et du fait que plus les étoiles paraissaient inaccessibles, et plus elles attiraient les hommes.

– Tu dis que Paris est trop grand pour toi, mais que dis-tu de l'infini de l'univers ?

– Si je reste sur mon caillou, je pourrai l'admirer de loin. Je t'enverrai des signaux lumineux.

– Je ne sais pas si je me contenterai de ça après que tu m'as fait miroiter les avantages de la vie spatiale.

Emportée par une impulsion, Laura se dressa sur la pointe des pieds et baisa les lèvres qui l'invitaient de façon si évidente.

Qu'est-ce qui te prend ? C'est ton étudiant, idiote ! Et tu sors déjà avec Nicolas.

Elle recula d'un pas, embarrassée par son audace, mais Grégoire lâcha son sac et avança vers elle. Il saisit délicatement sa nuque entre les mains avant de lui rendre son baiser. Sa langue était chaude et douce, avec un goût de cannelle. Ils restèrent longtemps enlacés, à découvrir leurs bouches. Puis Laura mordilla la lèvre de Grégoire. Il lui répondit en déplaçant son bras de son cou au creux de ses reins, avant de remonter lentement le long de sa taille.

Elle gémit lorsqu'il atteignit son sein et le caressa avec délicatesse. Aucune pensée sensée ne lui traversait plus l'esprit, elle ne songeait qu'à poursuivre son exploration de Grégoire.

Encore !

Il lui retira son pull, interrompant quelques secondes le contact entre eux. Enivrée, elle se jeta sur lui. Leurs langues se mêlèrent de nouveau, pour le plus grand soulagement de Laura. Grégoire commença à déboutonner son chemisier, les doigts frôlaient sa peau nue chaque fois qu'une attache sautait. Elle tremblait de désir. Il la conduisit vers une des tables, ses lèvres toujours collées aux siennes. Elle lui retira son haut et découvrit un torse musclé qui appelait les baisers. Elle lécha ses mamelons, descendit jusqu'au nombril le long des poils qui couraient sur son ventre bien dessiné. Il la fit asseoir sur la table et, enfonçant ses mains dans ses cheveux, fit courir ses lèvres au creux de son cou.

Laura n'en pouvait plus d'attendre. L'odeur épicée de Grégoire ainsi que ses caresses à la fois fermes et veloutées la rendaient folle. Elle saisit la ceinture du jeune homme et la défit, puis déboutonna son jeans. Dessous, il portait un boxer noir qui moulait virilement son érection. Il passa ses mains sous la jupe de Laura et retira sa petite culotte. Heureusement, elle avait mis de la belle lingerie aujourd'hui. Elle pouffa de se soucier de ce détail en un tel moment.

– Tout va bien ? lui chuchota Grégoire à l'oreille.

Une pointe d'inquiétude perçait dans sa voix. Il se souciait vraiment de son plaisir.

– Très bien même. Mais je crois que ça ira encore mieux dans quelques secondes.

Grégoire enfila un préservatif. Laura saisit son membre légèrement incurvé et l'aida à entrer en elle grâce à de petites secousses du bassin. Grégoire ne tarda pas à imprimer son propre rythme à leur étreinte, tout en caressant ses seins. Le contraste entre la dureté de la table et la douceur de leur étreinte, couplé à la peur de se faire surprendre, augmentaient l'excitation de Laura. C'était délicieux, tout simplement délicieux, et elle se mordit le poing pour ne pas crier. L'orgasme montait en elle à une vitesse incroyable. Elle ouvrit les yeux et surprit le regard empli de désir de son amant. Même si elle se sentait sur le point de jouir, elle retarda le moment pour profiter de ses coups de reins plus longtemps. Leur orgasme explosa en même temps. Ils se sourirent l'un à l'autre avec tendresse.

– Je pense que ce serait encore meilleur en apesanteur, commenta Grégoire avec un clin d'œil.

Puis la magie s'évapora. Ils se rhabillèrent à la hâte, un peu honteux. Laura ne regrettait rien, mais elle savait que désormais sa vie allait devenir plus compliquée.

*  *  *

Grégoire se retrouvait un peu bête après cette session de sexe totalement impromptue. Il se demanda un moment où il allait jeter son préservatif. Le mettre dans la corbeille à papier de la bibliothèque n'était sans doute pas une bonne idée. Il décida de l'envelopper dans un mouchoir et de le jeter dehors. Cette réflexion prosaïque lui fit réaliser à quel point coucher avec Laura s'avérait une erreur. Il la regarda à la dérobée. Ses cheveux auburn, ses yeux noisette, ses taches de rousseur, ses seins ronds, sa peau douce… Il ne s'étonnait pas d'être tombé sous le charme. Frustré de ce moment trop court, il mourait d'envie de discuter avec elle des heures durant avec des pauses coquines. Mais impossible de sortir avec sa prof ! Il ne savait pas quel âge elle avait, mais même si elle avait l'air jeune, elle avait au moins cinq ans de plus que lui. Il s'éclaircit la voix :

– Écoute, je ne sais pas trop ce qui m'a pris, je m'excuse.

– Non, trancha-t-elle sur un ton catégorique, c'est moi qui te présente mes excuses. Je suis professeur, je n'aurais jamais dû te mettre dans cette situation. Je suis vraiment désolée. Il s'agit d'un abus de pouvoir.

Grégoire lâcha un petit rire. Il n'avait pas l'impression de s'être fait abuser. Cependant, il ne fallait pas qu'ils recommencent. Ce genre de relations était contraire à l'éthique. De plus, cette année, il avait un mémoire compliqué et crucial à rédiger et il avait besoin de son aide en paléographie. Si leurs rapports étaient troublés par les sentiments, il craignait de ne pas atteindre ses objectifs d'excellence.

– J'ai toujours besoin de toi pour m'aider à déchiffrer mes documents.

– Et je suis toujours partante pour t'aider, affirma Laura avec force.

Elle le fixait droit dans les yeux. Troublés, ils détournèrent le regard au même moment. Feindre l'indifférence ne s'annonçait pas facile. Pourtant, il le fallait. Aucune relation entre eux n'était permise.

*  *  *

Laura se serait giflée. Un moment d'oubli de soi et elle perdait le contrôle de sa vie. Une chose était sûre, elle ne pouvait plus rester avec Nicolas. D'une, elle l'avait trompé, et de deux, si elle se jetait sur le premier inconnu venu, c'est que clairement, il ne lui convenait plus. Elle discuterait avec lui dès ce soir. Les complications d'une telle entrevue dansaient déjà dans sa tête : la colère de Nicolas, le déménagement, les explications avec leurs amis communs…

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