Sex Beast (19 page)

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Authors: Stéphane Bourgoin

Tags: #Essai, #Policier

BOOK: Sex Beast
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Mais le dimanche 3 décembre 1995, Gerard Schaefer est devant la porte de sa cellule en train de prendre un café avec un autre détenu, car il possède l’unique machine à chauffer de l’eau dans cette aile du bâtiment, où les soixante-seize prisonniers peuvent circuler librement. Un troisième homme survient, fait signe à l’interlocuteur de partir, et s’enferme avec Schaefer. Les gardes découvrent ce dernier tué de quarante-deux coups de couteau à la gorge et à la tête. Une empreinte de main ensanglantée sur l’un des murs est le seul indice de ce meurtre sauvage.

Pour Doris et Sara, la mère et la sœur de Schaefer, c’est Ottis Toole le coupable car l’ancien policier avait écrit quelques jours auparavant aux autorités qu’il possédait des informations précises sur l’endroit où se trouvait le corps du jeune Adam Walsh. Le fait que Schaefer soit considéré comme une balance en faisait une cible idéale pour de nombreux détenus, d’autant plus qu’il était un ancien flic. Pour plusieurs détenus, Schaefer aurait bu la dernière tasse d’eau chaude, ce qui aurait entraîné une dispute. Apparemment, le principal suspect, Vincent Faustino Rivera, aurait hurlé : « T’auras plus besoin d’eau chaude en ENFER, salope ! » Des détenus affirment que ce double meurtrier, Rivera, âgé de 33 ans, condamné à perpétuité, aurait indiqué son intention de tuer Schaefer, le jour précédent. Il aurait même montré son arme. Les investigations montrent que le pantalon et la chemise de Rivera sont tachés de sang.

Le 8 juin 1999, Vincent Rivera est condamné à purger cinquante-trois années de prison supplémentaires.

 

1
. Nancy Leichner et Pamela Ann Nater.

Chapitre XIII

LA RENCONTRE

Lorsque je rencontre Gerard John Schaefer pour la première fois, à partir du 18 novembre 1991, il est incarcéré depuis 1973. Il se trouve depuis 1985 à Florida State Prison, Starke. Starke possède une rue principale où habitent les employés de l’administration pénitentiaire des différents établissements carcéraux. C’est aussi un célèbre lieu de rassemblement de « bikers » qui font vrombir leurs Harley Davidson une fois par an pendant près d’une semaine. Je m’étais déjà rendu à de nombreuses reprises dès 1990, notamment pour
des rencontres avec Gerard Schaefer, Gerald Stano, Danny Rolling, Roderick Ferrell ou Ottis Toole. Et je ne manque jamais de dîner au Cowboys, un excellent bar et restaurant tenu par un couple de motards. Les bières y sont servies dans des chopes en verre : un vrai régal, surtout après des rencontres avec des serial killers.

La rencontre avec Gerard Schaefer se déroule dans une minuscule pièce aux murs blancs et sans aucune fenêtre. Il y a une table et deux chaises en plastique. Il y règne une chaleur étouffante. A quelques mètres de là, un couloir mène à la salle où se déroulent toutes les exécutions de l’Etat de Floride. C’est là qu’est décédé Ted Bundy sur la chaise électrique en 1989.

 

« Vous êtes emprisonné depuis quand ?

— Depuis 1973.

— De quoi êtes-vous accusé ?

— Accusé ou reconnu coupable ? Car on m’accuse de beaucoup de choses.

— De quoi vous accuse-t-on ?

— On m’a accusé, au départ, d’avoir tué trente-quatre femmes. Mais personne n’a jamais pu citer tous les noms ou préciser les circonstances. Ces accusations sont fausses.

— Et vous êtes condamné pour… ?

— Pour le meurtre de deux femmes à Fort Pierce, en Floride. On n’a jamais prouvé ma présence là-bas, ni aucun lien entre moi et les victimes, mis à part le témoignage d’une des mères. » Cette dernière phrase est prononcée avec le plus grand mépris. « Je ne pense
pas que vous soyez au courant, mais vendredi dernier, un cabinet d’enquêteurs privés du comté de Palm Beach a découvert la preuve qu’on avait monté un coup foireux contre moi. Le nom de cette agence est Viginia Snyder, 38 South Swinton, Del Rey Beach. Mme Snyder est très connue, on la retrouve dans de nombreux shows télévisés sur les affaires criminelles. Je lui avais transmis des informations, il y a quelques mois de cela, car personne ne croyait ce que je disais. J’ai toujours prié pour que la vérité éclate et, vendredi dernier, j’ai reçu un courrier de leur agence confirmant que j’avais été victime d’un coup monté. Et qu’ils accepteraient de témoigner, si des médias venaient les interroger. Vous êtes le premier à le savoir, à vous de jouer.

— Vous vous êtes vanté, dit-on, auprès de certains journaux, d’être “le plus grand tueur de femmes du siècle” ? » Lorsque je lui pose des questions, Gerard Schaefer penche la tête sur le côté. Quand ces questions ne lui plaisent pas, il se redresse brusquement sur sa chaise et son sourire de façade l’abandonne. Le pli de sa bouche se durcit et il devient véhément.

« Qui a dit ça ? Robert Stone ! » C’est le procureur au procès de Schaefer. « Ce n’est pas un secret. C’était en première page du
Palm Beach Post
, dans l’édition du 13 mai 1973. C’était même la une de l’édition du dimanche. Ce n’est pas de moi, mais de Robert Stone. Cela a été repris par le
Palm Beach Post
. Moi, je joue seulement les perroquets. » Il rit. « J’ai toujours dit que c’était faux. C’est une accusation qu’on a portée contre moi. Robert Stone a dit que j’étais “le tueur de femmes
numéro un du siècle”. » Il est très content de lui, quand il me dit cela. Il semble en éprouver une certaine fierté. « Faux. Il ment. Vous mentez, Robert Stone. » Il s’adresse directement à l’objectif de la caméra.

« Vous êtes fasciné par la pendaison et tout ce qui touche à la strangulation ?

— Je dessine beaucoup de personnages historiques qui ont un rapport avec les exécutions capitales. Ce sont juste des ébauches, vous savez. Je me suis passionné pour un ouvrage de Lawrence,
The History of Capital Punishment
(
L’Histoire des exécutions capitales
). On y montre l’évolution des différents châtiments infligés aux femmes. Elles étaient condamnées en fonction de l’ampleur de leurs crimes. On ne les pendait pas à l’identique et souvent même à des hauteurs différentes. Plus le crime était important, plus la distance était grande. Les femmes condamnées pour des crimes sexuels étaient suspendues bien plus haut que les autres. Mais c’étaient les pyromanes qui avaient droit à la plus grande longueur
de corde. Tous ces dessins ont été saisis par la justice et utilisés lors de mon procès. Un vrai scandale… Je reconnais que c’est embarrassant, parce que c’était un peu stupide de ma part d’avoir dessiné de telles choses.

— A la limite, on dirait que ça ne vous fait pas grand-chose d’être accusé d’avoir assassiné trente-quatre femmes ? Certains disent aussi que vous avez tué des petites filles ?

— Vous savez, ça fait vingt ans que je suis emprisonné et je commence à avoir l’habitude. » Il sourit. « Par contre, on m’accuse aussi d’avoir fait disparaître deux fillettes de 9 ans, Rahn et Stephenson. Cela a fait la une des journaux en Floride. J’étais absolument fou de rage. Moi, tuer une enfant de 9 ans ? J’ai un diplôme d’enseignant et je n’ai jamais commis de crime sexuel. Aucun des actes d’accusation à mon encontre ne fait mention d’un quelconque crime sexuel. Il n’y en a pas. Mais on me surnomme “Sex Beast”. De plus, ces enfants avaient encore leurs vêtements sur elles lorsqu’on les a retrouvées. Alors où est ce soi-disant crime sexuel et les mutilations dont parle la presse ? Personne n’aime être accusé de faire du mal à des enfants, sauf si c’est votre truc… et c’est pas mon truc. »

Je tente de le désarçonner par une question abrupte :

« Quel est votre film favori ?

— 
Frenzy
d’Alfred Hitchcock. » Il reste silencieux, car il se rend compte qu’il a commis une erreur. Rappelons que le film évoque un tueur en série de femmes à Londres qui étrangle ses victimes avec une cravate, après les avoir violées.

« La strangulation et la pendaison jouent des rôles importants dans vos récits…

— La strangulation n’est pas un acte sexuel, c’est plutôt une démonstration de toute-puissance. Teintée de sadisme, oui. Mais la toute-puissance est primordiale. Et je sais de quoi je parle puisque j’ai questionné beaucoup de serial killers qui étaient des étrangleurs.

— Et l’autoérotisme ?

— On peut dire que je suis un expert dans ce domaine. Pendant mon apprentissage en tant qu’auteur, je me suis fait beaucoup d’argent à l’université en la matière. Je suivais des cours de psychologie sur les perversions et les déviances. J’ai passé des petites annonces dans plusieurs magazines de cul et je recevais des courriers de personnes qui m’évoquaient leurs paraphilies particulières. Je faisais des photocopies de leurs “confessions” que j’envoyais à d’autres correspondants contre de l’argent. Cela m’a permis de financer mes études à l’université et, plus l’histoire était bizarre, plus elle me rapportait d’argent. Personne ne s’intéresse au sexe “normal”, ça c’est juste de la pornographie. On ne peut pas gagner d’argent là-dessus, car c’est entre les mains de la Mafia. Par contre, le crime organisé ne s’intéresse pas du tout à Krafft-Ebing et à son ouvrage
Psychopathia Sexualis
. Encore maintenant, en prison, je gagne beaucoup de pognon avec ça, les gens m’écrivent et je leur réponds.

— Pourquoi devient-on un serial killer ?

— Difficile à dire… Prenez le cas d’Ottis Toole, il a été abusé pendant toute son existence et il n’est pas très
intelligent. Vu ce qu’il a subi, on comprend aisément qu’il soit devenu violent. Son appartenance à cette secte, “The Hand of Death” (“La main de la mort”), il y a des jours où il me racontait qu’il partait dans les marais des Everglades, à la recherche de migrants ou de saisonniers pour les massacrer et les dévorer. Le lendemain, il pouvait me dire que tout ça était faux. Avec lui, on reste toujours dans l’incertitude. Mais, d’un autre côté, il y a ce détenu de Daytona Beach qui a été arrêté en possession des corps qu’il avait étranglés. Un type très intelligent. Lorsque vous le comparez à Ottis, c’est le jour et la nuit. Pourtant, ce sont tous deux des serial killers. Ce mec étranglait ses victimes pour les violer, une fois mortes. Ottis, quant à lui, vous tirait dessus, vous étranglait ou vous poignardait et, s’il avait une petite faim, il se coupait une tranche. » Rire de Schaefer.

« Les tueurs de vos fictions haïssent les femmes qui sont des “putes”…

— Dans l’histoire criminelle, les serial killers détestent les femmes. Certains s’attaquent à des pédés, comme Gacy qui s’entendait bien avec les femmes, mais qui haïssait les gays. En règle générale, les tueurs en série se focalisent sur un certain type de victimes. Beaucoup s’attaquent à des putes comme Gerry Stano [Gerald Stano] qui est ici dans le couloir de la mort. Il les traquait, avant de les poignarder, mais sans rapports sexuels. Et le FBI vient vous raconter que tous les serial killers sont motivés par des pulsions sexuelles… Alors comment font-ils pour expliquer un gars tel que Stano…

— Le FBI ne dit pas ça, leurs profilers affirment que la motivation principale est le contrôle total, l’emprise…

— J’ignore ce qu’ils racontent car ils ne viennent pas me parler. Ils veulent que je sois un consultant, pour me poser des questions. J’ai rien contre… Je serai ravi de donner mon opinion, mais où est leur chèque ? Ils ne veulent pas me donner du pognon. Moi, j’ai payé pour apprendre tout ça, et ils me disent que je suis un expert ! On a besoin de votre contribution, je leur réponds que je suis diplômé en criminologie, j’ai fait de longues études. Je suis un pro, alors payez-moi comme vous le feriez avec n’importe quel autre expert.

— Pourquoi 92 % des serial killers sont-ils de race blanche ?

— Je n’en sais rien. Si vous aviez la réponse, vous pourriez vous faire un sacré paquet de pognon. Norris pense que c’est une maladie, non ? » Le docteur Joel Norris est diplômé de psychologie à l’université de Géorgie. Il a écrit en 1988
Serial Killers – The Growing Menace
.

« Certains psys affirment que les serial killers ont envie de se faire prendre. Qu’en pensez-vous ?

— Non, c’est des conneries. Regardez le cas du “Green River Killer”, je pense qu’il va bientôt resurgir, peut-être en Californie, dans le sud de l’Etat, à Riverside. Je n’en sais pas plus, mais chez les détenus, il y a une sorte de téléphone arabe
1
. [Henry Lee] Lucas
n’avait aucune envie de se faire prendre. On dit qu’il en a tué deux cents. Et son complice, Toole, dans les cent cinquante. J’essaie d’en savoir plus à son sujet. Je l’ai beaucoup aidé, vous savez. Je vais bien voir combien il en reconnaît.

— Quelle est l’intelligence des tueurs en série ?

— On a tous les profils. [Ted] Bundy était hyper-intelligent. Nos discussions étaient passionnantes, un peu comme vous et moi en ce moment. Mais lorsque vous lui parliez, il dégageait une sorte d’aura maléfique concernant le meurtre. Une énergie anormale, il fallait le vivre pour le comprendre. Cela se lisait dans son regard et au travers de son langage corporel. Il y avait quelque chose d’étrange en lui. Son apparence était normale, un homme solitaire et, tout d’un coup, il se transformait en quelqu’un d’autre, un schizo, mais ce n’était pas ça. C’était comme si une entité s’était emparée de sa personne. Ses avocats l’ont aussi remarqué. Un type comme Toole n’est pas intelligent, il n’a pas d’éducation, mais il est malin et rusé, il sait comment survivre dans les rues. Un survivant : quelqu’un de charmant la plupart du temps. Mais il y a des jours où il peut devenir une bête fauve. On lui donne des drogues pour le garder sous contrôle. Vous savez, je ne suis pas un spécialiste, je suis juste un auteur de fictions qui étudie ce phénomène. Chaque serial killer est unique. Certains sont mobiles comme Toole, d’autres restent dans leur
quartier tel Dahmer. Quelques-uns vont répéter leurs crimes à l’infini comme le “Green River Killer” alors que d’autres vont varier les plaisirs.

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