The Running Man (13 page)

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Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
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La bande-son se fondit en une succession de gargouillis et de sifflements, comme si elle défilait en accéléré, puis fut coupée. Richards continuait à bouger les lèvres, mais aucun son ne sortait de sa bouche.

La voix de Thompson prit la relève :

— Nous avons apparemment des problèmes avec la sono. Mais nous avons suffisamment entendu ce maniaque meurtrier pour savoir à qui nous avons affaire, n’est-ce pas ?

— 
Oui !
rugit le public.

— Que faut-il faire si vous le voyez dans votre rue ?

— LE DÉNONCER !

— Et lorsque nous aurons mis la main sur lui ?

— LE TUER !

Richards tapa rageusement des poings sur les accoudoirs du vieux fauteuil où il était assis dans le living-cuisine du petit appartement.

— Les salauds, dit-il avec découragement.

— Tu croyais qu’ils allaient diffuser ça ? dit Bradley sur un ton moqueur. Je suis surpris qu’ils t’en aient laissé dire autant.

— Les salauds, se contenta de répéter Richards.

Le premier clip céda la place au second. Cette fois, Richards avait demandé aux spectateurs de prendre les bibliothèques d’assaut ou d’exiger des cartes, et de découvrir la vérité. Il leur avait lu une liste de livres traitant de la pollution de l’air et de l’eau, que Bradley lui avait donnée.

Sur l’écran, Richards ouvrit la bouche et commença à parler, mais les mots n’étaient pas ceux que formaient ses lèvres.

— Allez tous vous faire foutre ! criait-il. A mort les flics ! A mort la Commission des Jeux ! Si je vois un flic, son compte est bon. Je vais tous les...

Et cela continuait sur le même ton. Richards avait envie de se boucher les oreilles et de s’enfuir. C’était soit une doublure, soit une voix synthétique ― impossible à dire.

Le clip terminé, l’écran se divisa en deux : à gauche, un gros plan de Richards ; à droite, Thompson.

— Vous voyez cet homme, dit ce dernier. Il est prêt à tuer. Il est prêt à mobiliser une armée de mécontents pour une orgie de destructions, de meurtres, de viols, d’attaques contre les institutions. Il est prêt à mentir, à tromper, à tuer. Tout cela, il l’a déjà fait.

Thompson prit un ton de prédicateur habité d’une vertueuse colère :

— Benjamin Richards ! Nous regardez-vous, en ce moment ? Vous avez touché le prix du sang. Cent dollars par heure ― et il y a exactement cinquante-quatre heures que vous fuyez. Plus cinq cents dollars. Cent pour chacun de ces hommes.

Les visages de cinq jeunes policiers défilèrent sur l’écran. Les visages lisses, ardents, et en même temps terriblement vulnérables. Un clairon se mit à jouer en sourdine.

— Et maintenant... (la voix de Thompson se brisa)... voici leurs familles.

Des photos de femmes jeunes et apparemment heureuses, d’enfants fixant l’objectif avec des sourires forcés. Beaucoup d’enfants. Richards sentit le dégoût et la nausée l’envahir. Il baissa la tête et se mordit le poing.

La main chaude et musclée de Bradley lui serra l’épaule.

— Allons, mon vieux, allons. Tout ça, c’est du chiqué. C’était sûrement une bande de vieux boucs desséchés...

— Tais-toi, dit Richards. Pour l’amour du ciel, tais-toi.

— Cinq cents dollars, répétait la voix de Thompson, lourde de haine et de mépris.

Le visage de Richards emplit de nouveau l’écran, vide de toute émotion – mais son regard habilement retouché paraissait dur et sanguinaire.

— Cinq policiers, leurs cinq épouses et leurs dix-neuf enfants. Cela représente à peu près dix-sept dollars et vingt-cinq
cents
pour chacun des morts et de ces survivants désespérés qui portent le deuil de leur chef de famille. Vous travaillez pour pas cher, Ben Richards ! Même Judas a touché trente deniers d’argent, mais vous vous contentez de moins. En ce moment même, quelque part, une maman explique à son petit garçon que papa ne reviendra plus jamais, parce qu’un homme désespéré et avide...

— Assassin ! sanglotait une femme. Horrible et lâche assassin ! Dieu vous punira ! Tuez-le !

— Tuez-le ! reprit le public en chœur. Regardez le meurtrier ! Il a touché le prix du sang ! Mais l’homme qui vit par la violence périra par la violence. Unissons-nous tous pour abattre Ben Richards !

Les voix montaient vers l’aigu, dans un paroxysme de haine et de peur. Non, s’ils le voyaient, ils ne le dénonceraient pas. Ils le lyncheraient sur place.

Bradley éteignit le Libertel et lui fit face.

— Voilà contre quoi tu luttes, mon gars. Qu’est-ce que tu en dis ?

— J’arriverai peut-être à les tuer, dit Richards d’une voix étonnamment calme. Peut-être, avant la fin, je monterai au quatre-vingt-dixième étage du Building des Jeux pour dénicher l’ordure qui a écrit ça. Si je peux, je les tuerai tous.

— Arrête ! s’écria soudain Stacey. Ne parle plus de ça ! Tais-toi !

Dans la pièce du fond, Cassie dormait de son sommeil drogué en attendant la mort.

Compte à rebours...
061

Bradley n’avait pas osé percer des trous dans le coffre ; il s’était contenté de décoller un peu le joint. Richards se roula en boule, cherchant la meilleure position pour profiter au maximum du faible courant d’air.

Bradley lui avait dit que le trajet durerait au moins une heure et demie, avec deux barrages de police, peut-être davantage. Avant de fermer le coffre, il lui avait donné un gros revolver.

— Ils fouillent entièrement une voiture sur dix ou douze. Il y a donc de bonnes chances pour que ça se passe bien. Mais si on tombe sur le mauvais numéro, tu pourras au moins canarder du poulet.

La voiture s’éleva légèrement sur son coussin d’air, puis démarra brutalement, projetant Richards contre la cloison. Après avoir longuement tangué dans les rues défoncées du centre, elle s’engagea dans une artère où il y avait beaucoup de circulation, s’arrêtant souvent à des feux rouges.

Richards bougeait le moins possible, tenant le revolver avec précaution. Il se souvenait encore du choc qu’il avait ressenti en voyant Bradley arriver, vêtu du costume de sa bande. Veston croisé, pantalons à revers, le tout aussi sobre et gris que les murs d’une banque. Sans oublier une chemise à fines rayures et une cravate marron. Il portait même un petit insigne en or de la N.A.A.C.P.
[1]
. Il était méconnaissable.

— Quelle élégance ! lui avait dit Richards admirativement. Ça change de ton blouson de motard.

— Dieu soit loué ! avait commenté Man.

— Je pensais que ça te plairait, mon cher. Je suis directeur régional de
Raygon Chemicals
, tu sais. Les affaires marchent à Boston. Une ville super-sympa !

Stacey avait pouffé de rire.

— La ferme, petit négro. Sans ça, je te fais chier dans tes godasses et je t’oblige à le bouffer.

— T’es trop rigolo comme ça, avait rétorqué Stacey, nullement intimidé. Je peux pas m’en empêcher.

La voiture s’engageait sur une rampe montant en spirale : la 495 ou une des voies d’accès. Richards avait déjà des fourmis dans les jambes. Sans importance.

Une voiture sur dix ou douze. Il y a de bonnes chances pour que ca se passe bien.

La voiture s’éleva un peu plus et commença à accélérer. Elle avait à peine pris de la vitesse lorsqu’elle ralentit brusquement. Une voix terriblement proche répétait avec une régularité monotone :
Ralentissez et gagnez la voie de droite... Préparez vos papiers... Ralentissez...

Ça commençait.

Peut-être fouillaient-ils maintenant un véhicule sur huit ? Sur six ? Ou bien tous ?

La voiture s’immobilisa complètement. Richards agrippa le revolver. Dans le noir, ses yeux bougeaient en tous sens, comme des rats cherchant à sortir d’un piège.

Compte à rebours...
060

— Descendez, s’il vous plaît, dit une voix mécanique et autoritaire. Permis de conduire et papiers de la voiture.

Une portière s’ouvrit. Le moteur ronronnait doucement, maintenant la voiture à quelques centimètres au-dessus du sol.

— ... directeur régional de
Raygon Chemicals
...

Bradley qui faisait son petit numéro. Pourvu qu’il puisse prouver ce qu’il raconte. Pourvu que
Raygon Chemicals
existe vraiment...

La portière s’ouvrit. Quelqu’un se mit à fouiller sous les sièges. Richards avait l’impression que le flic (ou le garde fédéral ?) allait passer la main dans le coffre.

La portière claqua. Des pas contournèrent la voiture. Richards humecta ses lèvres et serra le pistolet plus fort. Il avait des visions de cadavres de policiers : visages angéliques sur des corps porcins grotesquement déformés. Il se demanda si le flic ouvrirait le feu avec sa mitraillette dès qu’il le verrait dans le coffre. Il se demanda si Bradley essaierait de s’enfuir. Il allait pisser dans son pantalon. Il ne s’était pas mouillé depuis qu’il était tout gosse, quand son frère le chatouillait jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se retenir. Oui, il tirerait juste au-dessus du nez du flic, projetant un jet de sang et de cervelle vers le ciel. Quelques orphelins de plus. Le petit Jésus m’aime, je le sais, ma vessie me le dit. Seigneur Dieu, qu’est-ce qu’ils fabriquent ? Sheila, je t’aime tant, que pourras-tu faire avec six mille dollars ? Tu les claqueras sans doute en un an, s’ils ne te tuent pas avant pour les piquer. Et après, de nouveau la rue, en balançant les hanches. Eh monsieur, je suis très propre ; dis, petit, tu veux que je te montre... ?

Au passage, une main tapota le coffre. Richards se fit violence pour ne pas crier. La poussière lui chatouillait le nez et la gorge. En biologie, pendant qu’il gravait ses initiales et celles de Sheila sur la table :
L’éternuement est du à l’action d’un muscle involontaire
. Même si j’éternue, je pourrai toujours tirer ― à bout portant, pas besoin de viser...

— Qu’est-ce qu’il y a dans le coffre ?

La voix de Bradley, enjouée et un peu lassée :

— Un vieux cylindre de rechange. La clef est sur le tableau de bord. Attendez, je vais...

— Si je la voulais, je vous la demanderais.

L’autre portière arrière s’ouvrit et se referma.

— Vous pouvez repartir.

— Merci et bonne chance. J’espère que vous l’attraperez.

— Allez, dépêchez-vous.

Les cylindres remontèrent le châssis. La voiture accéléra. Elle ralentit une autre fois, mais reprit aussitôt de la vitesse. Richards se laissait ballotter. Son souffle était court. Il n’avait plus envie d’éternuer.

Compte à rebours...
059

Il avait l’impression que le trajet durait beaucoup plus longtemps qu’une heure et demie. Ils furent arrêtés à deux autres reprises. La première, pour une simple vérification des papiers. La seconde, par un flic à l’accent traînant, qui avait apparemment envie de bavarder. Il expliqua à Bradley que ces putains de motards rouges aidaient sûrement Richards et l’autre type, Laughlin. Laughlin n’avait encore tué personne, mais on racontait qu’il avait violé une femme à Topeka.

Après, il n’y eut plus que le sifflement monotone du vent et les craquements de ses membres ankylosés. Sans s’endormir tout à fait, Richards sombra dans une torpeur hébétée. Heureusement qu’avec les moteurs à air comprimé, il n’y avait plus d’oxyde de carbone.

Des siècles après le dernier barrage, la voiture ralentit et s’engagea sur une rampe de sortie qui n’en finissait pas de tourner. Richards était à deux doigts de vomir. C’était la première fois de sa vie qu’il souffrait du mal des transports.

Encore des tournants ― sans doute un échangeur ― et ils accélérèrent de nouveau. Cinq minutes plus tard, les bruits de la ville les entourèrent. Richards essaya plusieurs fois de changer de position, mais cela ne servait à rien. Son bras droit, coincé sous lui, était insensible depuis au moins une heure. Un vrai morceau de bois, froid au toucher.

Ils tournèrent à droite, puis de nouveau à droite, et la voiture descendit une rampe en forte pente. Le cœur de Richards se décrocha. A en juger par l’écho du moteur, ils étaient dans un parking souterrain.

Un soupir de soulagement lui échappa.

— Votre ticket, m’sieur, dit une voix.

— Tiens, mon gars.

— Rampe 5.

— Merci.

La voiture monta une autre rampe, marqua un arrêt, tourna à droite, à gauche, puis s’arrêta et le moteur fut coupé. Fin du voyage.

Un instant de silence presque total. La portière qui s’ouvre et qui se referme. Des pas ― ce ne pouvait être que Bradley – qui contournent la voiture. Le bruit de la clef dans la serrure du coffre.

— Tu es là, Ben ?

— Non, je suis descendu au dernier contrôle, croassa Richards avec ce qui lui restait de voix.

— Attends un instant... Personne en vue. Ta voiture est garée juste à côté, sur la droite. Tu pourras sortir en vitesse ?

— J’essaierai.

— Fais ton possible. On y va.

La porte du coffre s’ouvrit, laissant entrer la lumière blafarde du parking. Richards se souleva sur un bras et passa une jambe à l’extérieur. Impossible d’en faire davantage. Ses muscles ne lui obéissaient plus. Bradley le prit sous les bras et le tira dehors, puis le soutint jusqu’à la voiture, une Wint verte pas mal cabossée. Il ouvrit la portière côté conducteur et le poussa sur le siège. Un moment plus tard, il s’installait à côté de lui.

— Eh bien ! dit-il dans un soupir. On y est arrivé, mon vieux. On y est arrivé !

— Ouais... Et ils me doivent deux cents dollars de plus.

Dans la pénombre de la voiture, on ne voyait guère que l’extrémité incandescente de leurs cigarettes, brillant comme de petits yeux. Ils fumèrent en silence.

Compte à rebours...
058

— On y a presque eu droit, au premier barrage, disait Bradley tandis que Richards se massait les bras pour rétablir la circulation. Le cogne a bien failli ouvrir le coffre.

Comme Richards ne répondait pas, il lui demanda :

— Comment te sens-tu ?

— Un peu mieux. Tu peux sortir le portefeuille de ma poche ? Je ne peux pas lever le bras assez haut.

Bradley eut un geste de dédain.

— Plus tard. Je vais t’expliquer ce que Rich et moi avons combiné.

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