The Running Man (12 page)

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Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
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— Tu as déjà tenu deux jours entiers, continua Bradley. C’est bien parti, pour toi.

— Non. Le jeu est truqué. Tu te souviens de ces machins que j’ai donnés à Stacey pour qu’il aille les poster ? Il faut que j’en envoie deux chaque jour. Autrement, ma prime saute. Je suis sûr qu’ils retrouvent ma trace grâce au cachet de la poste.

— Ça peut s’arranger.

— Comment ?

— T’expliquerai plus tard. Avant tout, faut que tu sortes de Boston. Ça va pas être facile. Les flics sont fous de rage depuis que t’as fait cramer leurs copains au Y.M.C.A. On l’a vu au Libertel. Et aussi quand tu t’étais mis un sac sur la tête. Fumant, ça ! Eh, Man ! ajouta-t-il. Quand c’est qu’on mange ? On crève la dalle !

— Ça vient, ça vient, répondit la vieille femme.

Elle mit un couvercle sur la cocotte où le ragoût mijotait doucement, et gagna à pas lents la chambre de Cassie.

— Je pourrais essayer de trouver une bagnole, dit Richards. J’ai des faux papiers, mais je n’ose pas m’en servir. Je mettrai des lunettes noires et je verrai si j’arrive à sortir de la ville. J’avais pensé aller dans le Vermont, puis passer au Canada.

— Hum, fit Bradley en se levant pour mettre la table. Il y a des barrages sur toutes les routes. Et les lunettes noires, je te conseille pas : rien de tel pour attirer l’attention. Ils te réduiraient en chair à saucisse avant que t’aies fait dix bornes.

— Alors, je ne sais pas... Si je reste ici, ils vont t’arrêter pour complicité.

Bradley commença à disposer les assiettes.

— Suppose qu’on dégote une tire. T’as du fric. Je suis pas recherché. Je connais un Macaroni qui me vendra une Wint pour trois cents. Un de mes copains pourra la conduire jusqu’à Manchester. Là-bas, ça sera cool, parce qu’ils te croient coincé à Boston. Tu manges aussi, Man ?

Elle revint de la chambre en traînant les pieds.

— Dieu soit loué ! Ta sœur s’est endormie.

— Tant mieux. (Il servit trois portions de ragoût aux gombos et à la viande hachée, puis s’arrêta.) Où est Stacey ?

— Il a dit qu’il allait au drugstore, répondit la vieille femme entre deux bouchées de ragoût. (Elle l’avalait à une vitesse prodigieuse, malgré sa mâchoire édentée.) Acheter des médicaments pour Cassie.

— S’il se fait arrêter, je lui casse la gueule, dit Bradley en s’asseyant.

— Peu de chances, dit Richards. Il a de l’argent.

— On n’a pas besoin de la charité d’un Sudiste comme toi, non ?

Tout en rajoutant du sel dans son assiette, Richards dit en riant :

— Il l’a bien gagné, ce fric. Sans lui, ils m’auraient sans doute déjà pincé.

Pendant un long moment, tous mangèrent sans parler. Richards et Bradley se servirent deux fois ; la vieille femme, trois fois. Pendant qu’ils allumaient des cigarettes, une clef tourna dans la serrure, les faisant sursauter. Ils se détendirent en voyant entrer Stacey, qui paraissait à la fois coupable et tout excité. Il sortit d’un sac en papier marron un flacon qu’il tendit à la vieille femme.

— C’est du bon, dit-il. Le vieux Curry m’a demandé où j’avais trouvé deux dollars soixante-quinze pour payer ça, et je lui ai dit qu’il pouvait chier dans ses godasses...

— Pas de gros mots ou le diable va venir avec sa fourche, dit la vieille femme. Tiens, mange.

Le gamin ouvrit de gros yeux.

— Youpie ! Y a de la viande !

Sans même s’asseoir, il se mit à enfourner sa portion de ragoût.

— Le pharmacien ne risque pas d’alerter la police ? demanda Richards.

— Curry ? Non. Du moment qu’on a de quoi payer. Et il sait que Cassie a besoin de médicaments vraiment actifs.

— Pourquoi parlais-tu d’aller à Manchester ?

— Ah ouais ! Voilà ce que je pense. Le Vermont, c’est très mauvais. Plein de rupins et fliqué à mort. Un copain, Rich Goleon, pourra conduire la Wint à Manchester et la mettre dans un parking automatique. Après, je t’y emmènerai dans une autre tire. (Il écrasa sa cigarette.) Tu te mettras dans le coffre. Ils n’ont des chiens policiers que sur les petites routes. On prendra carrément la 495.

— Dangereux pour toi, non ?

— Oh, je le ferai pas pour des prunes. Faut bien soigner Cassie.

— Dieu soit loué ! intervint la vieille femme.

— Dangereux quand même.

— Mon frère a pas peur des cognes, dit Stacey, le regard brillant de fierté.

— Tais-toi, minus. C’est haut comme trois pommes et ça se branle même pas encore, mais ça a toujours son mot à dire !

— S’ils nous repèrent, insista Richards, ils te mettront à l’ombre pour longtemps. Qui s’occupera du gosse ?

— Stacey et Man s’en tireront, te fais pas de bile. Comme il se défonce pas, il se débrouillera toujours. Tu te drogues pas, dis ?

Stacey secoua énergiquement la tête.

— Il sait que si je trouve des traces de piqûres sur ses bras, je lui passerai un savon dont il se souviendra longtemps. Pas vrai, Stace ?

Le gosse inclina gravement la tête.

— De toute façon, on a besoin du fric. Et puis, j’suis assez grand pour savoir ce que je fais.

Richards termina sa cigarette en silence pendant que Bradley allait porter le médicament à Cassie.

Compte à rebours...
063

Lorsqu’il se réveilla, il faisait encore nuit ; selon son horloge interne, il devait être dans les 4h30. Cassie s’était mise à crier et Bradley s’était levé. Ils dormaient tous trois dans une petite chambre pleine de courants d’air : Bradley dans l’unique lit étroit ; Richards et Stacey par terre. La vieille femme dormait avec la petite malade.

Richards entendit Bradley sortir de l’autre chambre, puis le bruit d’une cuiller tombant dans l’évier. Les cris de Cassie s’espacèrent, se changèrent en gémissements. Richards sentait que Bradley attendait, immobile dans la cuisine, qu’elle se calme complètement. Peu après, il revint, lâcha un pet et s’allongea sur le lit grinçant.

— Bradley ?

— Quoi ?

— Stacey dit qu’elle n’a que cinq ans. C’est vrai ?

— Oui.

— Une môme de cinq ans qui meurt d’un cancer du poumon ? De leucémie, peut-être. Mais attraper ça à cet âge ?

Bradley eut un ricanement amer.

— Tu es de Harding, n’est-ce pas ? Quel est le degré de pollution atmosphérique, là-bas ?

Bradley s’exprimait soudain dans une langue si correcte, sans accent ni argotismes, que c’en était irréel.

— Aucune idée. Ça fait des années qu’ils ne le donnent plus avec le bulletin météo.

— A Boston, ils ne le donnent plus depuis 2020, répondit Bradley dans un murmure. Ils ont trop peur. Tu portes un filtre nasal ?

— Tu veux rire ? Même en solde, ça coûte au moins deux cents dollars. Je n’ai pas vu autant d’argent de toute l’année. Et toi ?

— Moi non plus. (Il se tut un moment.) Stacey en a un. C’est moi qui l’ai fabriqué. Man, Rich Goleon et quelques autres copains en ont aussi.

— Tu te fiches de moi ?

— Pas du tout.

Il se tut de nouveau, se demandant manifestement s’il n’en avait pas déjà trop dit. Puis, il se décida, mais les mots venaient avec difficulté.

— On a lu, nous. Le Libertel, c’est pour les crétins.

Richards répondit par un grognement affirmatif.

— Notre bande, tu sais, c’est surtout des motards qui veulent s’éclater le samedi soir. Mais avec quelques copains, on va régulièrement à la bibliothèque.

— On peut y aller sans carte, à Boston ?

— Non, bien sûr. Pour obtenir une carte, il faut qu’un membre de votre famille ait un revenu annuel garanti d’au moins cinq mille dollars. On a piqué la carte d’un gosse de riche. On y va à tour de rôle. On a un complet correct, qu’on se repasse... Rigole pas, ou je me fâche.

— Je ne ris pas.

— Au début, on ne lisait que des livres sur le sexe. Et puis, quand Cassie est tombée malade, je me suis intéressé à la pollution. Dans la réserve, ils ont tous les livres sur la pollution atmosphérique, sur les divers polluants et sur les moyens de s’en protéger. On a fait faire une clef à l’aide d’une empreinte en cire. Tu savais qu’à Tokyo, tout le monde porte un filtre depuis 2012 ?

— Non.

— Rich et Dink Mohan ont fabriqué un détecteur de pollution. Dink a recopié le schéma sur un livre ; ils l’ont fait avec des boîtes de conserve, des filtres à café et diverses pièces piquées dans des bagnoles. Il marche. On l’a caché au fond d’une cour. En 1978, l’échelle de pollution allait de 1 à 20. Tu comprends ?

— Oui.

— Quand le degré de pollution atteignait 12, les usines et les autres trucs polluants devaient s’arrêter jusqu’à ce que ça s’améliore. C’était une loi fédérale. En 1987, le Nouveau Congrès l’a annulée. (La silhouette allongée sur le lit se dressa sur ses coudes.) Tu connais sûrement un tas de gens qui ont de l’asthme ?

— Bien sûr... Moi aussi, j’en ai un peu.
Ça
, ça vient de l’air, c’est bien connu. Tout le monde sait qu’il vaut mieux ne pas sortir par temps chaud et couvert, quand il n’y a pas de vent...

— L’inversion thermique, oui, dit Bradley gravement.

— Ça arrive surtout en août et septembre, quand l’air est épais comme du sirop. Plein de gens ont de l’asthme à cause de ça. Mais le cancer des poumons...

— Ce dont tu parles, ce n’est pas vraiment de l’asthme. Ça s’appelle de l’emphysème.

— Emphysème ?

Richards retourna le mot dans son esprit. Il était vaguement familier, mais son sens lui échappait.

— Les tissus des poumons deviennent tout gonflés. On a beau respirer, on n’a jamais assez d’air. Tu connais des gens qui ont ça ?

Oui... Oui, il en connaissait. Beaucoup en mouraient, même.

— Mais ça, ils n’en parlent jamais, dit Bradley comme s’il avait lu les pensées de Richards. Ces temps-ci, le degré de pollution est de 20 à Boston, les bons jours. C’est comme si on fumait quatre paquets par jour rien qu’en respirant. Les mauvais jours, il peut atteindre 42. Plein de vieux n’y résistent pas. Sur le certificat de décès, ils marquent « asthme ». Mais c’est à cause de l’air. Les cheminées des usines vomissent cette saloperie jour et nuit. Et les patrons ne font rien. Au contraire, ça leur plaît. D’ailleurs, ces filtres à deux cents dollars, c’est de la merde. Juste deux petites grilles avec un bout de coton mentholé au milieu. Totalement inefficace. Les filtres sérieux sont fabriqués par General Atomics. Mais seuls les riches peuvent se les payer. Ils nous ont donné le Libertel pour que le peuple crève tranquillement, sans faire d’histoires. Tu me crois, hein ? Et le prix minimum d’un filtre G-A, c’est six mille dollars. Nouveaux. En m’aidant de ce bouquin, j’en ai fabriqué un pour Stacey. Il nous est revenu à dix dollars. Avec une pile atomique pas plus grosse qu’une tête d’allumette. On l’a prise dans une prothèse auditive achetée sept dollars dans une solderie. Pas mal, non ?

Richards était trop stupéfait pour dire un seul mot.

— Quand Cassie va mourir, tu crois qu’ils marqueront « cancer » sur le certificat de décès ? Non ! Ils mettront « asthme ». Ça pourrait faire peur aux gens. Quelqu’un pourrait se procurer une carte pour la bibliothèque, et découvrir que le cancer du poumon a augmenté de sept cents pour cent depuis 2015 !

— C’est vrai, tout ce que tu me racontes ? Ou bien c’est des trucs que tu imagines ?

— Je l’ai lu dans un livre de médecine. Ils font tout pour nous tuer, mon vieux. Le Libertel nous tue. Pendant qu’on regarde leurs tours de passe-passe, on est aveugle au reste. (Après un silence, il ajouta rêveusement :) Il m’arrive de penser que je pourrais faire sauter tout le système si on me donnait dix minutes de temps de parole au Libertel. Leur expliquer. Leur montrer ce qui se passe vraiment. Tout le monde pourrait avoir un filtre, si le Réseau le voulait.

— Et je les aide, dit Richards en hochant tristement la tête.

— Ce n’est pas de ta faute. Tu luttes pour ta peau.

Richards revit soudain les visages de Killian et de Arthur M. Burns. Il aurait voulu les tuer, les écraser, leur marcher dessus. Mieux, leur arracher leur filtre nasal et les lâcher dans la rue.

— Les gens sont en rogne, reprit Bradley. Depuis au moins trente ans, ils haïssent le Réseau. Il ne faudrait pas grand-chose pour qu’ils passent à l’action. Un rien suffirait... quelques mots... une vraie raison... une vraie...

Bradley le répétait encore lorsque Richards s’endormit.

Compte à rebours...
062

Richards resta toute la journée dans l’appartement, pendant que Bradley s’occupait de l’achat de la voiture et se mettait d’accord avec le copain qui devait amener celle-ci à Manchester.

Il revint à 6 heures, avec Stacey, et alluma aussitôt le Libertel.

— Tout est réglé. On part ce soir.

— Tout de suite ?

Bradley eut un sourire sans joie.

— Tu veux pas te voir sur l’écran ?

Richards s’aperçut qu’il en mourait d’envie. Lorsque la pub fit place au générique de
La Grande Traque
, il se pencha en avant, les yeux rivés sur l’écran.

Debout sur un podium vivement éclairé, au milieu d’une mer de ténèbres, Bobby Thompson fit face à la caméra.

— Regardez bien, commença-t-il. Voici un des loups qui sont lâchés parmi vous.

Un gros plan du visage de Richards apparut sur l’écran. Au bout d’un moment, il fut remplacé par une seconde photo de Richards, sous l’aspect de John Griffen Springer.

Fondu-enchaîné sur Thompson.

— Aujourd’hui, dit-il d’une voix sépulcrale, je m’adresse tout particulièrement aux habitants de Boston. Hier soir, cinq policiers ont connu une mort atroce, brûlés vifs dans le sous-sol du Y.M.C.A. de Boston, où ce loup sanguinaire leur avait tendu un piège. Où est-il maintenant ? Et sous quel déguisement ? Regardez ! Regardez-le !

L’image de Thompson fit place au premier des deux clips que Richards avait tournés dans la matinée. Stacey était allé les poster à l’autre bout de la ville. Richards avait recouvert la fenêtre et les meubles de draps, et avait demandé à la vieille femme de tenir la caméra.

— Vous tous qui me regardez, disait lentement l’image de Richards. Pas les technicos, ni les richards qui habitent des duplex. Ces salopards, je ne leur parle pas. Mais vous, les gens des lotissements et des H.L.M., vous les motards, vous les chômeurs ! Vous, les gosses qui se font arrêter pour de la came qu’ils n’ont même pas de quoi acheter, et pour des crimes qu’ils n’ont pas commis, parce que le Réseau veut vous empêcher de vous réunir et de parler. A vous tous, je veux parler d’une monstrueuse conspiration pour vous priver du souffle même de la...

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