The Running Man (22 page)

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Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
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Richards s’aperçut que le vieux cliché était faux. Le temps ne s’arrête
pas
. Dans un sens, c’était regrettable. Cela aurait au moins mis fin à l’espoir.

A deux reprises, la voix amplifiée informa Richards qu’il mentait. Il leur répondit que, dans ce cas, ils feraient mieux d’ouvrir le feu. Cinq minutes plus tard, une autre voix lui dit que les ailerons du Lockheed étaient bloqués, et qu’il fallait préparer un autre appareil. Pas de problème, répondit Richards, à condition qu’il soit prêt dans les délais fixés.

Les minutes se succédaient avec une lenteur terrifiante. Encore vingt-six, vingt-cinq, vingt-deux, vingt (
elle n’a pas encore craqué ; mon Dieu, se pourrait-il...
), dix-huit, quinze (de nouveau le bruit des réacteurs, de plus en plus aigu : l’équipage continuait la check-list), dix minutes, puis huit...

— RICHARDS ?

— J’ÉCOUTE.

— IL NOUS FAUT PLUS DE TEMPS. LES VOLETS RESTENT BLOQUÉS. NOUS ALLONS LES IRRIGUER AVEC DE L’HYDROGENE LIQUIDE, MAIS IL NOUS FAUT ABSOLUMENT DU TEMPS.

— VOUS EN AVEZ. SEPT MINUTES EXACTEMENT. ENSUITE, JE GAGNERAI LA PISTE PAR LA RAMPE DE SERVICE. J’AURAI UNE MAIN SUR LE VOLANT ET L’AUTRE SUR LE DÉTONATEUR. TOUTES LES BARRIÈRES SERONT OUVERTES. NOUBLIEZ PAS QUE JE ME RAPPROCHERAI DE PLUS EN PLUS DES CITERNES.

— VOUS NE VOUS RENDEZ PAS COMPTE DE LA SITUATION. NOUS...

— ASSEZ DISCUTÉ, LES GARS. SIX MINUTES.

L’aiguille des secondes tournait sans jamais ralentir son rythme. Trois minutes. Deux. Une. Ils devaient suer sang et eau, dans la petite pièce qu’il était incapable d’imaginer. Il essaya en vain de conjurer l’image d’Amélia. Aussitôt, d’autres visages se superposaient, portrait composite réunissant Stacey et Bradley, Elton et Virginia Parrakis, le garçon au chien... Il se souvenait seulement qu’elle était douce et jolie, mais sans élan, sans âme, comme tant de femmes le sont grâce à Max Factor, à Revlon et aux chirurgiens esthétiques qui déplissent et remontent et affinent. Douce, douce. Mais dure, quelque part au fond. Pourquoi es-tu devenue dure, femme ? Et l’es-tu assez ? Ou bien vends-tu la mèche en ce moment même ?

Il sentit quelque chose de chaud couler sur son menton et s’aperçut qu’il s’était mordu les lèvres jusqu’au sang, en plusieurs endroits.

Il s’essuya automatiquement la bouche, marquant sa manche d’une tache en forme de larme, et mit la voiture en marche. Elle se souleva docilement, en vibrant à peine.

— RICHARDS ? SI VOUS AVANCEZ, NOUS TIRONS ! LA FILLE A PARLÉ ! NOUS SAVONS !

Il n’y eut pas un coup de feu.

Dans un sens, c’était presque frustrant.

Compte à rebours... 031

La rampe de service décrivait une longue courbe ascendante autour du terminal futuriste, qui semblait coulé d’une pièce dans le verre. Partout, des policiers équipés de toutes les armes imaginables, des grenades lacrymogènes aux roquettes antichars. Leurs visages étaient uniformément inexpressifs et
plats
. Assis normalement au volant, Richards roulait lentement, suivi par leurs regards vides et bovins. « C’est ainsi, se dit-il, que les vaches doivent regarder un fermier soudain devenu fou, qui se roule par terre en hurlant et en crachant. »

La barrière donnant accès à l’aire de service (ATTENTION ― DEFENSE DE FUMER ― INTERDIT SAUF AU PERSONNEL AUTORISÉ) était levée ; Richards la franchit, roulant toujours très lentement. Au passage, il vit des camions-citernes pleins de carburant à haut indice d’octane, des avions de tourisme, un minuscule hélicoptère. Au-delà, commençait la piste : béton noirci de pétrole, joints de dilatation. Et son oiseau l’attendait : un énorme jumbo-jet dont les douze turbines grondaient doucement. Au-delà, les pistes s’éloignaient à perte de vue, semblant se rapprocher vers l’horizon. Quatre hommes en salopette mettaient en place la passerelle d’accès. Un instant, Richards crut voir les marches montant à l’échafaud.

Comme pour compléter cette image, le bourreau apparut, surgissant soudain de l’ombre projetée par l’avion. Evan McCone.

Richards le regarda avec la curiosité d’un homme qui se trouve pour la première fois face à une célébrité. Même s’il l’a vue des centaines de fois au cinéma ou sur le petit écran, il lui faut cela pour se convaincre de sa réalité. Mais, dans un second stade, la réalité prend un caractère hallucinatoire, comme si cette entité n’existait pas vraiment en dehors de son image.

C’était un homme de petite taille, portant des lunettes cerclées d’or, avec un début de ventre sous son complet parfaitement coupé. Selon la rumeur, il portait des chaussures à talons surélevés ; si c’était le cas, cela ne se voyait pas. Le tout mis dans le tout, il ne ressemblait en rien à un monstre, à l’héritier d’organisations aussi redoutables que le F.B.I. ou la C.I.A. Rien n’indiquait l’homme qui avait perfectionné la technique de la voiture roulant tous phares éteints dans la nuit, du gourdin de caoutchouc, des questions insinuantes sur l’épouse ou les enfants restés à la maison. L’homme qui avait maîtrisé le spectre entier de la terreur.

— Ben Richards ?

Il était assez près pour ne pas avoir besoin du mégaphone. Sa voix était douce, sans être le moins du monde efféminée.

— Oui.

— Je suis détenteur d’un mandat délivré par la Fédération des Jeux, division accréditée de la Commission des communications du Réseau, en vue de votre appréhension et de votre exécution.

— Avez-vous vraiment besoin de ce bout de papier ?

McCone eut un sourire complaisant.

— Toutes les formalités ont été respectées, je puis vous l’assurer. Je crois qu’il faut toujours respecter les règles, pas vous ? Non, bien sûr. C’est bien pourquoi vous êtes toujours en vie. Savez-vous que vous avez battu le record de
La Grande Traque
de plus de huit jours ? Vous l’ignoriez, n’est-ce pas ? C’est pourtant le cas. Et après votre stupéfiant départ du Y.M.C.A. de Boston, la cote Nielsen de l’émission a monté de douze points.

— Fantastique !

— Certes, nous avons bien failli vous coincer au cours de l’intermède de Portland. Dans son dernier souffle, Parrakis a juré que vous étiez descendu à Auburn. Nous l’avons cru : le petit homme était manifestement si faible, si épouvanté...

— Manifestement, répéta Richards avec douceur.

— Mais votre dernière improvisation dépasse tout. Je vous salue bien bas. Dans un sens, je regrette presque que le jeu doive prendre fin. Je n’aurai sans doute jamais plus l’occasion de me mesurer à un adversaire aussi inventif.

— Comme c’est dommage.

— Toujours est-il que c’est terminé. La femme a craqué. Nous avons utilisé le Penthotal. Rien de bien nouveau, mais c’est efficace. (Il tira de sa poche un petit automatique.) Descendez, monsieur Richards. En témoignage d’admiration je vous ferai la faveur d’agir ici même, loin des caméras. Votre mort prendra place dans une relative intimité.

— Eh bien, préparez-vous, dit Richards.

Il souriait.

Il ouvrit la portière et sortit. Les deux hommes se firent face sur le béton nu de l’aire de service.

Compte à rebours... 030

McCone mit le premier fin à l’impasse : il rejeta légèrement la tête en arrière et éclata d’un rire de velours.

— Ah ! vous êtes vraiment fabuleux, monsieur Richards. Quel talent ! Pour vous montrer à quel point je l’apprécie, je vais être honnête : la femme n’a pas craqué. Elle s’obstine à répéter que ce paquet qui gonfle votre poche est du Black Irish. Nous ne pouvons pas lui administrer du Penthotal : ce produit laisse des traces. Un simple E.E.G. prouverait que nous l’avons utilisé. Nous avons fait venir de New York trois ampoules de Canogyn, qui ne laisse aucune trace. Nous les recevrons dans quarante minutes. Trop tard, hélas, pour vous arrêter. Mais elle
ment
, c’est évident. Sans vouloir vous offusquer en témoignant d’un certain élitisme, je dirais que les classes moyennes ne mentent bien qu’au sujet du sexe. Puis-je faire une autre observation ? Je peux, n’est-ce pas ? (McCone sourit.) Je suppose qu’il s’agit de son sac à main. Nous avons remarqué qu’elle n’en avait pas, alors qu’elle venait de faire des achats en ville. Nous sommes très observateurs, vous savez. Qu’est-il arrivé à son sac, Richards, s’il n’est pas dans votre poche ?

Il ne releva pas le défi.

— Tirez, si vous en êtes si sûr.

McCone écarta les bras.

— Ce n’est pas l’envie qui nous en manque ! Mais on ne prend pas de risques avec la vie humaine. Cela ressemble trop à la roulette russe. La vie humaine a un caractère
sacré
. Le gouvernement ―
notre
gouvernement ― en est pleinement conscient. Nous sommes humains.

— Sûrement, dit Richards avec un sourire féroce.

McCone cilla rapidement, à deux reprises.

— Par conséquent, vous comprenez...

Richards secoua sa léthargie. Cet homme était en train de l’hypnotiser. Les minutes passaient, un hélico arrivait de Boston ou d’ailleurs avec le sérum de vérité (quand McCone disait quarante minutes, cela voulait dire vingt), et il restait là comme un imbécile, à écouter ses histoires à dormir debout.

— Ecoutez-moi, l’interrompit Richards brutalement. Trêve de paroles. Quand vous lui ferez la piqûre, elle chantera la même chanson. Juste pour votre information, le Black est là. C’est clair ?

Il soutint un moment le regard de McCone, puis commença à avancer.

— A un de ces jours, petit merdeux.

McCone ne broncha pas. Il s’écarta légèrement au passage de Richards, qui ne daigna même pas le regarder. Leurs manches se frôlèrent.

— Egalement pour votre information, je crois savoir qu’il faut une traction de trois livres pour déclencher le détonateur. Je dois en être à deux livres et demie. A peu de chose près.

Il eut la satisfaction d’entendre le souffle de McCone s’accélérer légèrement.

— Richards ?

Du haut de la passerelle, il se retourna. McCone avait le visage levé vers lui ; ses lunettes lançaient des éclairs.

— Lorsque vous aurez décollé, nous vous abattrons avec un missile sol-air. Officiellement, vous aurez actionné le détonateur par mégarde. Reposez en paix.

— Vous n’en ferez rien.

— Non ?

Souriant, Richards lui donna une (pas très bonne) raison :

— Nous volerons très bas, au-dessus de régions très peuplées. Ajoutez les réservoirs de carburant aux six kilos d’irish, vous voyez ce que ça peut donner. Le risque est trop gros. Vous le feriez si vous étiez certain de vous en tirer ― mais ce n’est pas le cas. (Après une pause, il ajouta :) Vous qui êtes si intelligent, aviez-vous prévu le coup du parachute ?

— Bien entendu, répondit McCone, imperturbablement. Il est dans la cabine avant. Mais c’est vieux comme le monde. Avez-vous encore d’autres tours dans votre sac, monsieur Richards ?

— Je suppose que vous n’avez pas été assez bête pour trafiquer le parachute ?

— Oh non ! Trop visible. Et j’imagine que vous tireriez sur votre détonateur imaginaire juste avant d’atterrir. Cela ferait beaucoup d’effet.

— Au revoir, petit homme.

— Au revoir, monsieur Richards. Et bon voyage ! (Il eut un petit rire.) Je sais que vous appréciez la franchise. Je vais donc vous montrer une autre de mes cartes. Rien qu’une. Avant de passer à l’action, nous attendrons de voir ce que donne le Canogyn. Quant au missile, vous avez parfaitement raison. Pour le moment, ce n’est que du bluff. Mais nous ne sommes pas pressés. Je ne me trompe jamais, vous savez. Jamais. Je sais que vous bluffez. Nous avons donc le temps. Mais je vous retarde, monsieur Richards. Au revoir.

Il agita la main.

— A tout de suite, répondit Richards, suffisamment bas pour que McCone ne puisse pas l’entendre.

Compte à rebours... 029

La cabine de première, divisée en trois sections par de larges couloirs, était décorée de panneaux de séquoia véritable. Une épaisse moquette lie-de-vin couvrait le sol. A l’avant, un écran 3— D tenait toute la cloison séparant la cabine de l’office. Le parachute, un gros sac de toile plastifiée, était posé en évidence sur le siège 100. Richards le tapota amicalement au passage et traversa l’office. Quelqu’un avait même pensé à faire du café.

Il franchit une autre porte. Un étroit couloir menait à la cabine de pilotage. A droite, le radio, un homme d’une trentaine d’années, au visage prématurément ridé ; il lança un regard noir à Richards, puis retourna à ses instruments. A gauche, le navigateur, assis face à ses cartes et à ses écrans.

— Le gars qui va tous nous faire tuer est arrivé, annonça-t-il dans son micro, en fixant Richards d’un regard glacial.

Richards ne sut que dire. Après tout, l’homme avait presque certainement raison. Il boitilla jusqu’au cockpit.

Le pilote avait au moins cinquante ans, un vieux loup au nez de buveur invétéré – mais son regard clair et perspicace indiquait que son organisme assimilait parfaitement l’alcool. Le copilote avait une dizaine d’années de moins, et une luxuriante chevelure rousse qui retombait sur ses épaules.

— Bonjour, monsieur Richards, dit le pilote. Excusez-moi si je ne vous donne pas la main. Je suis le capitaine aviateur Don Holloway. Mon copilote, Wayne Duninger.

— Compte tenu des circonstances, je ne peux pas dire que je sois enchanté de faire votre connaissance, dit ce dernier.

Un tic involontaire agita la bouche de Richards.

— Dans le même esprit, permettez-moi d’ajouter que je préférerais être ailleurs. Capitaine Holloway, je suppose que vous êtes en communication avec McCone ?

— Bien sûr. Kippy Friedman, notre radio, maintient le contact en permanence.

— Je veux lui parler.

Holloway lui tendit un micro avec des gestes précis de chirurgien.

— Continuez votre check-list, dit Richards. Nous décollons dans cinq minutes.

— Désirez-vous que nous armions les boulons explosifs des portes arrière ? demanda Duninger avec empressement.

— Occupez-vous de vos oignons, rétorqua Richards.

Il était temps d’en finir, de tenter l’ultime pari. Il avait l’impression que son cerveau allait éclater. Ce jeu lui mettait les nerfs à vif.
Je vais monter la limite jusqu’au ciel, McCone.

— Monsieur Friedman ?

— Oui.

— Ici Richards. Passez-moi McCone.

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