Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition) (29 page)

BOOK: Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition)
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Lizzy n’en croyait pas ses oreilles. Quel genre de mère laissait son enfant disparaître des journées
entières ?

— Si c’est le type qui a décapité Moreno, dit Jimmy, je veux savoir comment il s’est déplacé du point A au point B sans que personne ne le
remarque.

Le technicien termina de recueillir les échantillons de sang et commença à ranger ses affaires. Jimmy agita le doigt dans sa
direction.

— Je veux les résultats dès que possible. Et je veux que chaque échantillon soit comparé au sang prélevé chez
Moreno.

Le technicien hocha la tête. Il ramassa sa valise métallique et son sac en toile avant de s’éloigner.

— À ce rythme, releva Jimmy, je serai bientôt à court de techniciens. Bon sang, mais qui est ce type ? Et qu’est-il arrivé au
modus operandi
qu’il
suivait ?

— Il n’a plus de
modus operandi
, dit
Jared.

Jimmy fronça les
sourcils.

— De quoi parles-tu ?

— Maintenant, c’est personnel, fit Jared. Les médias ont raison sur ce point. Spiderman joue avec nous tous, et il nous regarde cavaler d’une scène de crime à une autre. Il est en colère et la rage le pousse à s’écarter de son chemin. Les tueurs en série aiment fantasmer et tout planifier. Spiderman a l’habitude d’agir comme s’il avait tout le temps du monde. Mais les choses ont
changé.

La mine de Jimmy s’assombrit.

— Après qui est-il en
colère ?

— Moi, dit
Lizzy.

Jared ne la contredit
pas.

— De la façon dont je vois les choses, Spiderman se préparait à faire son come-back lorsque Frank Lyle a avoué au monde qu’il était Spiderman − le meurtrier qui avait ôté la vie de quatre jeunes filles. Ça a rendu notre homme furieux. Les tueurs en série aiment que leurs hauts faits soient reconnus à leur juste valeur. Puis le père de Lizzy a accepté de donner quelques interviews sur une chaîne de télévision
nationale…

— Pourquoi Spiderman s’en soucierait-il ? demanda Jimmy, guère
convaincu.

— Je ne pense pas qu’il s’en souciait vraiment, mais il était intéressé par ce que le père de Lizzy avait à dire. Après tout, je crois que Lizzy était la raison pour laquelle il a arrêté de tuer, du moins au début. Il devait avoir peur qu’elle ne l’identifie, lui ou sa
planque.

— Mais mon père a trop parlé, ajouta Lizzy, et Spiderman est devenu fou de
rage.

Jared
acquiesça.

— Il s’est probablement mis dans tous ses états en apprenant qu’il avait été trahi et qu’on lui avait
menti.

Jimmy avait du mal à
suivre.

— Trahi par
qui ?

— Par moi, dit Lizzy. Je l’avais convaincu que je tenais à lui, que je l’aimais même, comme n’importe quelle jeune fille aimerait et respecterait son propre père. Il ne m’a pas fallu longtemps pour réaliser qu’il connaissait bien ses victimes. Mais il ne me connaissait pas, moi. Il pensait faire une faveur au monde en éliminant des adolescentes qu’il jugeait néfastes. Je savais que je devais le convaincre que je faisais partie des gentilles si je voulais avoir une chance de rester en
vie.

— C’était son
modus operandi
, fit Jared. Trouver une fille qui, selon ses critères, était « mauvaise ». Puis attendre, observer et apprendre. Mais maintenant, il est en colère à cause de la trahison de Lizzy et il commet des
négligences.

— Hayley Hansen tenait quelque chose, murmura
Jimmy.

Lizzy regarda Jimmy. Pour la première fois depuis qu’elle l’avait rencontré, elle avait l’impression qu’ils étaient du même
côté.

— Avez-vous la même idée que
moi ?

— Je ne te laisserai jamais faire ça, déclara
Jared.

— Tu n’as pas le
choix.

— Spiderman est de plus en plus fébrile, dit Jimmy. Il est en train de perdre patience, ce qui pourrait finir par jouer en notre
faveur.

— Il nous faut agir vite, acquiesça
Lizzy.

— Il saura exactement ce que tu es en train de faire, dit Jared. Il devient négligent, mais il n’est pas stupide. L’appâter a peut-être marché pour Hayley, mais je reste persuadé qu’elle ne prévoyait pas d’être enlevée de force par le type. Je veux savoir à qui appartient ce sang. Spiderman ne se laissera pas mener en bateau à deux
reprises.

Jimmy posa la main sur l’épaule de
Jared.

— Lizzy sera sous haute surveillance. Elle aura plus de fils attachés à son corps que la compagnie du
câble.

Jared secoua la
tête.

Lizzy prit la main de Jared dans les siennes et la
serra.

— Je dois le
faire.

 

 

Samedi 20 février 2010, 19 h
 02

 

Un bruit sec retentit et la voiture fit un soubresaut en avant. Jessica tenait le volant d’une main ferme et parvint à ranger la Honda sur le bas-côté de la route. Elle sortit et identifia le problème. Le pneu arrière gauche était à plat. Elle leva les yeux au ciel alors que le crépuscule s’installait au-dessus de sa tête et, sans même s’en rendre compte, elle se mit à pleurer. Elle était incapable d’empêcher les larmes de couler. Les mains posées sur sa taille, elle regardait fixement l’étoile solitaire qui brillait dans le ciel. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois qu’elle avait pleuré, et pourtant elle savait que les vannes ne s’étaient pas ouvertes à cause d’un stupide pneu crevé. Elle pouvait gérer une
crevaison.

Après la disparition de Mary, sa famille s’était disloquée. Son père avait fait ses valises et était parti, incapable de supporter la culpabilité qu’il ressentait chaque fois qu’il les regardait dans les yeux. Sa mère n’avait pas mis longtemps à commencer à boire et son frère à expérimenter la drogue. Jessica avait fait tout ce qu’elle pouvait pour préserver un semblant d’unité familiale. Elle s’était mise à travailler au centre commercial pour aider à payer les factures. Quand elle ne travaillait pas, et quand elle en avait terminé avec les corvées de la maison, elle étudiait. À l’époque, elle savait déjà qu’elle voulait étudier le comportement humain, découvrir pourquoi certaines personnes tuaient, alors que d’autres donnaient leur vie pour sauver de complets étrangers. Elle voulait savoir ce qui mettait les gens en colère au point de leur faire commettre l’impensable. Surtout, elle voulait comprendre quel genre de personne enlevait des enfants, car elle était convaincue que Mary avait été kidnappée. Mary n’aurait jamais fugué. C’était pourtant ce dont les policiers chargés de l’affaire étaient persuadés. Ils avaient dit que les gamins agissaient souvent ainsi quand les membres de leur famille se
déchiraient.

Mary ne serait jamais partie, songea Jessica tout en essuyant les larmes sur son visage. Mary et elle n’étaient pas seulement sœurs ; elles étaient meilleures amies. Elles avaient juré de se protéger et de prendre soin l’une de l’autre. Quand elles étaient petites et que leurs parents se disputaient, elles construisaient des tentes avec des couvertures dans la chambre qu’elles partageaient et inventaient des jeux
imaginaires.

Mary s’était peut-être lassé des hurlements. Elle s’endormait sans doute le soir en rêvant à l’époque bienheureuse où leurs parents s’entendaient bien. Mais Mary ne serait jamais partie sans lui en parler
avant.

 

 

Samedi 20 février 2010, 19 h
 22

 

De retour à l’appartement, Jared et Lizzy consultèrent le répondeur. Pas de nouveaux messages sur la ligne principale. Encore une fois, Lizzy composa le numéro de
Jessica.

— Jessica ne décroche toujours pas son téléphone, dit Lizzy à Jared. Elle m’a laissé un message à trois heures et demie cet après-midi. Elle avait l’air enthousiasmée par les deux noms que je lui ai fait rajouter à la liste de suspects. Elle m’a demandé de la rappeler au plus vite. C’était il y a quatre
heures.

Lizzy attrapa son ordinateur portable posé sur la table basse et l’alluma.

Jared entra dans la
cuisine.

— Tu as son numéro de
fixe ?

— J’ai aussi appelé là-bas. Pas de
réponse.

Lizzy entendit les placards de la cuisine s’ouvrir et se refermer. Il fit couler l’eau du robinet avant de lui
demander :

— Depuis combien de temps connais-tu
Jessica ?

— Quelques
mois.

— Tu n’as pas dit que tu n’avais pas le budget nécessaire pour embaucher une
assistante ?

— Elle est persévérante et n’accepte aucun refus. Je ne comprenais pas l’obstination de Jessica jusqu’à hier, quand j’ai découvert que sa sœur était l’une des filles disparues il y a quatorze
ans.

Jared passa la tête derrière le mur qui séparait la cuisine du
salon.


 Quoi ?

Lizzy laissa courir ses doigts sur le clavier avant de lever les yeux vers lui. Elle
soupira.

— Je l’ai découvert hier. Je n’ai pas eu le temps de me pencher sur la question. Nous avons été plutôt
occupés.

Elle écrivit une adresse dans son carnet, puis elle se
leva.

— Jessica pense que sa sœur est toujours en
vie.

— Si elle a fait une fugue, alors c’est
possible.

Lizzy secoua la
tête.

— Jessica m’a montré une photo. C’était elle, Mary, la fille que j’ai failli
sauver.

— Tu le lui as
dit ?

— Je n’ai pas
pu.

Lizzy enfila son manteau, se dirigea vers la porte et le regarda par-dessus son
épaule.

— Tu
viens ?

— Où
ça ?

— Je dois retrouver Jessica. Je veux m’assurer qu’elle va bien. J’espérais que tu pourrais passer chez Gilman pendant que je vérifie chez l’entraîneur
Sullivan.

— Où habite
Gilman ?

— Pas très loin d’ici.

— Je n’aime pas ça. Restons
ensemble.

— Je trouve ça adorable que tu veuilles me protéger, Jared, mais je suis une grande fille. Le temps presse. Je t’appellerai quand j’y serai. Même chose pour
toi.

Il soupira avant de regarder sa
montre.

— Je me charge de Sullivan. J’ai son adresse. Toi, tu t’occupes de Gilman. Quelle voiture Jessica conduit-elle ?

— La Honda Civic de sa mère.
Argentée.

— Si tu repères sa voiture, appelle-moi. Je ferai la même
chose.

Elle hocha la
tête.

— Ne fais pas de
folies.

Ils sortirent et Jared attendit qu’elle termine de verrouiller la porte avant de la surprendre par un baiser. Il posa ses lèvres sur les siennes, furtivement, mais avec chaleur. Elle n’avait pas eu le temps de réfléchir à ce qui s’était passé entre eux la nuit dernière ni à ce que cela signifiait, si tant est que cela signifie quelque
chose.

— C’est en quel
honneur ?

— Dis-moi que tu n’iras pas frapper aux portes ni t’introduire chez les gens si tu aperçois quelque chose qui ne te plaît
pas.

Elle acquiesça. Il
attendait.

— Qu’est-ce qui ne va
pas ?

Comme il ne répondait pas, elle haussa un
sourcil.

— Très bien, dit-elle. Je te le promets. Je serai une gentille fille et je t’appellerai si je remarque quelque chose de
suspect.

 

 

Samedi 20 février 2010, 19 h
 36

 

Jessica s’arrêta au bord du trottoir, devant la maison de Gilman, et coupa le moteur. Elle jeta un œil à son téléphone sur le siège. Si la batterie n’était pas morte, elle aurait pu appeler une remorqueuse. Au lieu de cela, elle avait été contrainte de changer le pneu elle-même. Pas étonnant que Lizzy ne l’ait pas rappelée − avec une batterie à plat, c’était plutôt difficile d’être
joignable.

Jessica ferma la portière, enfonça les mains dans ses poches et se dirigea vers la maison de l’épouvantable personnage. Le vent sifflait dans les arbres. Des nuages noirs s’accumulaient autour de la lune, tandis que ses doigts se resserraient autour du Kel-tec P3AT de sa mère, qu’elle avait glissé dans sa poche avant. Elle était tombée par hasard sur le pistolet, dix-huit mois plus tôt. Elle n’y avait plus pensé… jusqu’à aujourd’hui.

Le trottoir menant à la porte se fendillait. Les haies avaient besoin d’être taillées. Des branches frottaient contre la maison et les feuilles dansaient à ses pieds. Le vent faisait claquer un drapeau contre son mât. Une fois devant la porte, elle prit conscience qu’elle aurait dû se rendre à l’appartement de Lizzy au lieu de venir ici toute seule. Mais elle n’avait jamais été très patiente. Quand elle avait une idée en tête, il était impossible pour elle de rester assise en attendant. Elle était du genre à agir avant de
réfléchir.

Elle jeta un œil derrière elle, balayant la rue du regard. Tout était calme. Une lumière brillait dans la maison d’en face. Sans savoir ce qu’elle allait dire ou faire si elle obtenait une réponse, elle leva le poing et donna quelques coups légers contre la porte. Au bout de quelques secondes, elle frappa à nouveau. Puis elle glissa la main dans sa poche et referma les doigts autour de son arme. Elle n’avait encore jamais tiré.
Ce ne pouvait pas être très
difficile.

CHAPITRE 31

Samedi 20 février 2010, 19 h
 55

 

Lizzy regarda par la vitre de la Honda. Elle reconnut le sac sur le siège passager, c’était celui de Jessica. Elle remarqua aussi le téléphone portable à la coque clinquante. Le téléphone de Jessica. Bon sang. Elle traversa la pelouse à petites foulées et jeta un œil par la fenêtre de la cuisine. À l’exception d’un rayon de lumière qui filtrait à travers une porte au bout du couloir, la maison était sombre. Mais elle entendait de la
musique.

Il n’y avait aucun signe de Jessica. Elle chercha dans sa poche et réalisa que, dans sa hâte, elle avait oublié son propre téléphone dans la voiture. Elle allait tourner les talons lorsqu’un fracas retentit dans la maison. Des cris fusèrent, suivis par plusieurs coups
assourdissants.

— Jessica ! hurla-t-elle en se ruant vers la
fenêtre.

À l’intérieur, elle vit la porte s’ouvrir au fond du couloir et un homme nu en sortir. Elle crut qu’il se dirigeait vers la porte d’entrée, mais il disparut dans une autre pièce. C’est alors qu’elle aperçut
Jessica.

— Jessica ! cria-t-elle.

Bon sang, mais que faisait-elle ici ? Personne ne pouvait entendre Lizzy par-dessus la musique. Merde ! Elle sortit son arme de son étui et courut à la porte. Elle frappa violemment, appuya sur la sonnette, mais personne ne lui prêta attention. Au pas de charge, elle alla jusqu’au portillon sur le côté de la maison, tira le verrou et passa en trombe devant une rangée de poubelles en direction du jardin. Une porte vitrée coulissante donnant sur la maison avait été laissée grande
ouverte.

 

 

Samedi 20 février 2010, 20 h
 01

 

Les serpents étaient arrivés la veille. Six au total. Deux crotales diamantins orientaux, trois serpents à sonnettes de Mojave et, sa préférée de toujours, une vipère heurtante au caractère bien trempé. Il colla son visage contre la vitre de l’aquarium et recula instinctivement la tête quand le serpent bondit sur lui avec une puissance
incroyable.

Il porta une main à sa poitrine et sentit qu’il fallait qu’il s’assoie. La colère et le mépris grondaient toujours au fond de lui. Il avait un besoin irrépressible de jeter tous les serpents dans la chambre où cette pétasse était attachée et de la regarder s’éteindre d’une mort lente. Mais une voix lui imposait de garder la tête froide et de s’en tenir au plan. Sa rage déclina. Il n’avait pas eu l’intention de tuer Sophie si tôt dans son programme, mais la fille s’était vite révélée ennuyeuse à
mourir.

Il devait garder Hayley en vie pour le moment. La perspective de forcer Lizzy à le regarder torturer la jeune fille l’excitait au-delà des mots. Il ferma les yeux et laissa les images enchanteresses le remplir d’une force toute nouvelle, dont il avait besoin pour rester dans la
course.

Il était grand temps de donner à Lizzy une bonne leçon. Une douleur aiguë et lancinante lui traversa l’épaule et les côtes, l’empêchant de profiter pleinement du moment. Il avait nettoyé ses blessures la veille au soir après avoir attaché la fille à la colonne de lit. Il s’était ensuite raccommodé avec un fil à coudre, de l’alcool et une aiguille pointue. Mais il était à court d’antibiotiques, et il n’avait pas envie de se montrer au cabinet avec sa mine pâle et malade. Les infirmières étaient curieuses comme des fouines et elles ne laissaient rien passer, du moins c’est ce qu’elles croyaient. Même son associée ne se doutait pas qu’elle travaillait aux côtés d’un justicier, d’un héros plus vrai que nature. La plupart des gens prêtaient si peu attention que c’en était pathétique. Pendant toutes ces années, rien n’avait changé. Triste, mais
vrai.

Debout devant un miroir, il déboutonna sa chemise et examina sa blessure. La plaie était longue et profonde. Trop profonde. Il risquait même de devoir se rendre à l’hôpital. Il pourrait expliquer au médecin urgentiste qu’il avait été agressé. La zone autour de la blessure était rouge et enflée, elle sentait mauvais et du pus s’en
écoulait.

Agacé par ce que cette sale gosse lui avait fait, il se leva et se dirigea vers le vivarium des crotales diamantins. Il enfila un gant de manipulation, plongea la main et attrapa le plus gros serpent. Une morsure ne la tuerait pas, mais lui ferait assurément, à lui, le plus grand
bien.

 

 

Samedi 20 février 2010, 20 h
 03

 

Jessica ne chercha pas à poursuivre l’homme nu. Elle entra dans la chambre et regarda le grand lit. La salle était brumeuse à cause de la fumée et sentait la marijuana. La musique était assourdissante et la scène qui s’offrait à elle était surréaliste. Il lui fallut un moment pour tout assimiler, notamment la personne immobilisée sur le lit, les poignets et les chevilles attachés aux quatre colonnes d’angle. En dépit de ses cils démesurément longs et de l’abondante chevelure rousse qui encadrait ses pommettes hautes, la femme attachée au lit était en réalité un homme. La touffe de poils noirs dissimulée sous un Speedo léopard était un signe qui ne trompait pas. Il était bâillonné et ses yeux étaient arrondis par la
peur.

Elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle interrompait, mais de toute évidence, ce n’était pas normal. Elle avait du mal à se concentrer à cause du volume de la musique. L’homme essayait de dire quelque chose, mais ses mots étaient étouffés par le bandeau. Il y avait trois hommes quand elle avait ouvert la porte. Où se trouvait le troisième
larron ?

Elle brandit son arme. Sa main tremblait lorsqu’elle se dirigea vers le placard où une enceinte d’un mètre quatre-vingt, posée à même le sol, déversait une musique heavy metal. Il y avait une caméra perchée sur un trépied à l’intérieur du placard. La caméra était toujours en train de filmer. Une lumière rouge
clignotait.

Bon sang, mais que se passait-il
ici ?

En regardant de plus près, elle vit que l’homme attaché au lit présentait des hématomes et saignait. Ce ne fut que lorsqu’elle se pencha pour éteindre la musique qu’elle aperçut le troisième homme − torse nu et aplati sur le sol, il rampait vers la fenêtre à demi
ouverte.

— Arrêtez-vous ! hurla-t-elle.

Il se retourna et ouvrit le
feu.

Psss.

On aurait dit le bruit d’une fuite de gaz. Si elle avait su qu’il avait une arme sur lui, elle aurait d’abord tiré et posé des questions
ensuite.

Son pistolet lui glissa des mains et elle s’effondra contre le mur. Une douleur fulgurante venait de lui traverser le côté gauche, avant de se changer en brûlure
cuisante.

— Où est Mary ? demanda-t-elle à l’homme sur le
lit.

Il secoua la tête, les yeux encore plus écarquillés qu’avant − deux grosses lunes rondes avec une tache noire au milieu. Ses cheveux étaient si roux que son visage paraissait d’une lividité spectrale. Elle voulait l’aider, lui retirer le bâillon de la bouche, mais ses jambes ne répondaient plus. Son image se déforma et le bord de son champ de vision se brouilla. L’homme qui avait tiré s’enfuyait par la fenêtre. Elle ne pouvait rien y faire pour l’instant. Elle écarta les mains de ses côtes. Du sang avait coulé au bout de ses doigts. Des images de Mary défilèrent dans son
esprit.

Était-elle à l’agonie ?

La salle se mit à tourbillonner contre son gré. Les jambes de Jessica cédèrent en premier, rapidement suivies par le reste de son
corps.

 

 

Samedi 20 février 2010, 22 h
 30

 

Brittany était en train de télécharger une chanson sur iTunes lorsqu’elle avisa un message de
i2Hotti.

Enfin.

Elle commençait à croire qu’il l’avait oubliée. Encouragée, elle se mit à écrire avec
assurance :

 

Brit35 : pourquoi tu as été si
long ?

i2Hotti : comment
ça ?

Brit35 : ça fait un million d’années qu’on ne s’est pas
parlé

i2Hotti : 3
jours

Brit35 : trop
long

i2Hotti : dsl j’étais
occupé

Brit35 : tu faisais
quoi ?

i2Hotti : des
trucs

Brit35 : ça va ? t’es pas comme d’hab

i2Hotti : besoin de te
voir

 

Le cœur de Brittany battait la chamade et elle sourit,
soulagée.

 

Brit35 : j’avais peur que tu ne m’aimes
plus

i2Hotti : tu plaisantes ? je crois que je suis tombé fou amoureux de
toi

Brit35 : te fous pas de
moi

i2Hotti :
sérieux

Brit35 : moi aussi je veux te
voir

i2Hotti : je croyais que tu me le demanderais
jamais

Brit35 : comment ? maman me surveille 24h/7j à cause de ce tueur débile et ma maison est
gardée

i2Hotti : dis-lui que tu as un fil cassé et que tu dois aller chez l’ortho

Brit35 : bonne idée… et
ensuite ?

i2Hotti : sors de l’école plus tôt lundi et je passe te
chercher

Brit35 :
voiture ?

i2Hotti : BMW
noire

 

Ouah, songea Brittany, ses parents devaient être riches ou il avait un très bon boulot. Elle avait l’impression d’être la fille la plus chanceuse au
monde.

 

i2Hotti : t’es
là ?

Brit35 : oui. j’ai hâte de te rencontrer
enfin

i2Hotti : pas autant que
moi

Brit35 : maman arrive, je dois y
aller

i2Hotti : à plus
tard

Brit35 : pas trop
tard

i2Hotti : j
t’♥

 

 

Dimanche 21 février 2010, 12 h
 55

 

Lizzy faisait les cent pas dans la salle d’attente de l’hôpital. Elle trépignait en espérant que le docteur arrive et lui dise si Jessica allait s’en sortir. La porte principale s’ouvrit. Une bourrasque d’air froid accompagna Jared à l’intérieur.

— Tu vas bien, dit-il,
soulagé.

— Je voulais t’appeler plus tôt, fit-elle, mais tout s’est enchaîné à une vitesse folle. J’ignore où se trouve mon téléphone
et…

— Tu vas
bien.

Il la prit dans ses bras et la serra contre
lui.

— C’est tout ce qui
compte.

Jared s’écarta et
dit :

— Sullivan m’a paru tout à fait réglo. Il a emménagé ici après un divorce douloureux. Il m’a laissé jeter un œil dans sa maison sans hésiter. Que s’est-il passé chez
Gilman ?

— Il s’avère que Gilman, en plus d’être le professeur particulier de maths de Brittany, exerce aussi dans le milieu du porno. Apparemment, ses films sont uniques parce qu’il invite des étrangers chez lui. Une fois qu’il a bien attaché son nouvel invité au lit, son acolyte sort du placard et ils s’amusent à déguiser leur victime. Ils griment leur hôte en travesti avant de s’adonner à toutes sortes de fantasmes sur son corps. Leurs vidéos s’appellent Mâles au Féminin. Le pauvre homme sur lequel ils s’acharnaient quand Jessica a débarqué était mort de peur. Il est ici à l’hôpital, au cinquième étage. Il est en état de
choc.

— Où est
Jessica ?

— Le partenaire de Gilman lui a tiré dessus avant de s’enfuir par la
fenêtre.

Le docteur franchit la
porte.

— Vous pouvez la voir, maintenant, annonça-t-il, mais quelques minutes seulement. Nous voulons qu’elle se repose un
peu.

— C’est grave ? demanda
Jared.

— Elle a reçu une balle lente au côté gauche. Elle a eu de la chance qu’aucune artère principale ne soit touchée. La balle a été extraite et on lui a administré un
calmant.

Les épaules de Lizzy se
décontractèrent.

— Combien de temps va-t-elle devoir rester à l’hôpital ?

— Au moins quelques jours. Nous en saurons plus demain, en fonction de la soirée qu’elle aura
passée.

Ils entrèrent dans la chambre de Jessica. Une infirmière était en train d’ajuster le cathéter. Lizzy s’avança à côté du lit et prit la main inerte de Jessica dans la sienne. La pauvre fille était blême et elle avait un tube dans le
nez.

— Je suis désolée, s’excusa Jessica d’une voix faible. Mon téléphone est à
plat.

— Ne t’inquiète pas pour ça, lui dit Lizzy. Tu dois te concentrer sur ta
convalescence.

— Je suppose que Gilman est notre
homme ?

Lizzy secoua la
tête.

— Non. Mais il n’est certainement pas innocent non
plus.

Elle mourait d’envie de sermonner Jessica, de lui dire qu’elle n’aurait jamais dû pénétrer seule dans cette maison. Et le pistolet, où s’était-elle procuré un pistolet ? Mais à quoi pensait donc Jessica ? Elle aurait pu se faire
tuer.

La porte s’ouvrit et un jeune homme entra. Il avait les yeux injectés de
sang.

— Mon frère, Scott, dit Jessica tandis qu’il s’approchait de son
lit.

Scott fronça les
sourcils.

— Bon sang, qu’est-ce que tu foutais chez ce type ? Je t’avais prévenue qu’il était bizarre,
non ?

Jessica passa la langue sur ses
lèvres.

— Il était sur notre liste de suspects. Je voulais retrouver
Mary.

Le visage de Scott vira au rouge
cramoisi.

— Mary est morte. Si elle était vivante, elle serait revenue chez nous. Combien de fois devrons-nous avoir cette discussion ? Regarde-toi.

Il leva les mains et se frotta le visage,
découragé.

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