The Running Man (6 page)

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Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
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— Vous connaissez un de vos collègues nommé Charlie Grady ?

— Charlie ? Bien sûr, dit le flic avec méfiance. Qu’est-ce que vous lui voulez, monsieur Richards ?

— Donnez-lui ça. Dites-lui que les cinquante cents de trop sont pour les intérêts.

Le flic allait partir lorsque Richards le rappela une seconde fois.

— N’oubliez pas de m’apporter les reçus.

Le flic prit une expression dégoûtée.

— Je vois que vous avez confiance en l’humanité.

Richards eut un pâle sourire.

— C’est vous et vos copains qui m’avez appris à être comme ça. Au sud du Canal, vous m’avez tout appris à ce sujet.

— Je sens que l’émission va être super, dit le flic. Ça me fera plaisir de les voir vous coincer, quand je regarderai le Libertel sur mon sofa, une canette de bière dans chaque main.

— En tout cas, n’oubliez pas les reçus, dit Richards en fermant doucement la porte.

Le bourbon arriva vingt minutes plus tard. Richards dit au serveur de lui amener deux ou trois gros romans.

— Des romans ? fit l’homme, interloqué.

— Oui, vous savez, des livres. Imprimés sur papier.

Il mima le geste de tourner des pages.

— Bien, monsieur, je vais faire mon possible. Monsieur désire commander le dîner ?

Ça dépassait la dose ! Richards imagina un dessin animé : un homme tombe dans un puisard et se noie dans un énorme tas de merde rose sentant le N° 5 de Chanel. Quand il en a plein la bouche, il s’aperçoit que, rose ou pas, elle a bel et bien un goût de merde.

— Steak dans le filet. Petits pois, pommes mousseline. (« Mon Dieu, et Sheila qui devait se contenter d’une pilule de protéines et d’une tasse de café synthétique ! ») Du lait. Tarte aux pommes chaude.

— Bien, monsieur. Aimeriez-vous également...

— Non, dit Richards brusquement. Ce sera tout. Laissez-moi.

Il n’avait plus faim. Plus du tout.

Compte à rebours...
084

« Le serveur a dû prendre mes recommandations à la lettre », pensa Richards en ricanant intérieurement.

Il avait manifestement choisi les livres avec un double décimètre pour seul guide : tout ce qui a plus de cinq centimètres d’épaisseur est O.K. Il lui avait amené trois livres dont il n’avait jamais entendu parler : deux vieux,
Dieu est anglais
et
En pays de connaissance
, ainsi qu’un gros volume publié trois ans auparavant,
Le Plaisir de servir
. Richards jeta d’abord un coup d’œil sur ce dernier. Un pauvre gars travaille à G-A. Il commence comme nettoyeur de machines, puis devient aide-mécano. Il prend des cours du soir (« des cours de quoi ? se demanda Richards, de finances supérieures ? »). Au cours d’une orgie de quartier, il tombe amoureux d’une fille (apparemment, la syphilis ne lui avait pas encore rongé le nez). Ses notes sont si bonnes qu’il est promu assistant technicien. Il se marie, avec un contrat de trois ans, et...

Richards jeta le livre dans un coin.
Dieu est anglais
avait l’air un peu mieux. Il se versa un bourbon
on the rocks
et attaqua le bouquin.

Il en était à la page trois cents (et à la fin de la première bouteille) lorsque l’on frappa discrètement. C’était le flic qui lui apportait les reçus.

Sheila n’avait rien écrit, mais avait envoyé une photo de Cathy bébé. Il sentit des larmes d’ivrogne lui monter aux yeux. Il examina l’autre reçu. Charlie avait écrit au dos d’une contravention :
O.K. enculé. Vivement que tu crèves. C. Grady.

Richards laissa tomber le bout de papier avec un ricanement féroce.

— Merci, Charlie. J’avais vraiment besoin de tes encouragements.

Il regarda de nouveau la photo de Cathy, minuscule et rouge et ridée, prise quatre jours après sa naissance. Elle portait une sorte de robe blanche, que Sheila avait cousue elle-même. Lorsque l’envie de pleurer devint trop forte, il se força à repenser au charmant petit mot de Charlie Grady. Il se demanda s’il pourrait vider la deuxième bouteille avant de perdre connaissance, et décida d’essayer.

Il y parvint presque.

Compte à rebours...
083

Samedi matin, Richards se réveilla avec une monumentale gueule de bois. A l’heure du dîner, il en était presque sorti : il commanda deux autres bouteilles de bourbon avec le repas. Il les vida méthodiquement et se réveilla à la pâle lumière du dimanche matin en voyant ramper sur le mur d’énormes chenilles au regard meurtrier. Il décida qu’il serait contraire à ses intérêts de ruiner complètement ses réflexes d’ici mardi. Il était temps d’arrêter.

Sa gueule de bois se dissipa peu à peu. Il vomit tout ce qu’il avait à vomir, et continua à avoir des spasmes lorsque son estomac fut vide. Vers 6 heures du soir, les spasmes se calmèrent. Pour le dîner, il commanda une soupe de légumes. Pas de bourbon. Il sélectionna du néo-rock au système audio dont la suite était équipée, mais en eut rapidement assez.

Il se coucha tôt et dormit plutôt mal.

Lundi, il passa presque toute la journée sur la petite terrasse vitrée. Elle dominait tout le front de mer. Le temps était agréable : une succession de giboulées et d’éclaircies. Le vent devait être fort.

Il lut deux romans, se coucha de nouveau tôt et dormit un peu mieux. Il fit toutefois un cauchemar à la fois horrible et grotesque. Sheila était morte et il assistait à son enterrement. Elle était debout dans son cercueil ; quelqu’un lui avait fourré une liasse de nouveaux dollars dans la bouche. Il se précipita pour retirer cette obscénité, mais des mains le saisirent par-derrière. Une douzaine de flics l’immobilisèrent. L’un d’eux était Charlie Grady. Il lui disait avec un vilain sourire : « Voilà ce qui arrive aux perdants, espèce d’enculé ! » Les flics pointaient leurs pistolets sur sa tête lorsqu’il se réveilla.

— Mardi, annonça-t-il en se laissant rouler sur la moquette.

L’élégante pendule murale imitant un cadran solaire indiquait 7 h 09. Dans moins de onze heures, le début en direct de
La Grande Traque
allait être diffusé en 3— D dans toute l’Amérique. Il sentit son estomac se décrocher. Et dans vingt-trois heures, la chasse à l’homme serait ouverte.

Il se doucha longuement à l’eau très chaude, mit sa combinaison, commanda des œufs au bacon, du café et une cartouche de Blams.

Il passa le reste de la matinée et le début de l’après-midi à lire, confortablement installé sur le sofa. A 2 heures pile, on frappa un coup sec à la porte. Trois policiers entrèrent, en compagnie du ventripotent Arthur M. Burns, plus qu’un peu ridicule dans sa combinaison de scène. Les flics étaient armés d’aiguillons électriques.

— Je suis venu vous chercher pour le briefing final, dit Burns. Si vous voulez bien...

— Certainement, dit Richards.

Il marqua la page du livre qu’il lisait et le posa sur la table. Il était terrifié, à deux doigts de la panique. Heureusement, ses mains ne tremblaient pas...

Compte à rebours...
082

Le neuvième étage de l’immeuble des Jeux ne ressemblait absolument pas aux autres. Richards savait qu’il ne monterait pas plus haut. La fiction de la mobilité verticale s’arrêtait ici. Le neuvième étage abritait les studios.

Les couloirs étaient très larges et très blancs. Des karts jaune vif équipés de moteurs G-A à cellules solaires passaient en tous sens, amenant des équipes de technicos vers les studios et les salles de régie.

Un kart les attendait à la sortie de l’ascenseur. Richards, Burns et les trois flics prirent place. Le petit véhicule démarra sans bruit. Des têtes se tournaient à leur passage. Plusieurs personnes montrèrent Richards du doigt. Une fille en bikini doré lui envoya un baiser.

Ils franchirent des dizaines de couloirs transversaux. Richards eut l’impression qu’ils parcouraient des kilomètres. Il vit plusieurs studios, et aperçut même l’infâme moulin de discipline du
Moulin de la fortune
. Des touristes en visite guidée s’amusaient à l’essayer. Ils se tordaient de rire.

Le kart s’arrêta finalement devant une large porte portant la mention LA GRANDE TRAQUE ― ACCÈS STRICTEMENT RÉSERVÉ.

Burns salua le garde en gilet pare-balles assis dans une guérite et dit à Richards :

— Introduisez votre carte dans la fente, juste à côté de la porte.

Richards descendit et fit ce qu’on lui demandait. Sa carte disparut dans la fente et une petite lampe s’alluma dans la guérite du garde. Ce dernier appuya sur un bouton. La porte s’ouvrit. Richards remonta dans le kart et ils franchirent le seuil.

— Où est ma carte ? demanda Richards.

— Vous n’en avez plus besoin.

Ils se trouvaient dans une salle de régie. Assis devant une rangée de terminaux éteints, un unique technico entièrement chauve récitait une liste de chiffres dans un micro.

Un peu à l’écart, Dan Killian et deux autres hommes étaient attablés devant des verres couverts de buée. L’un d’eux, très soigné pour être un technico, lui était vaguement familier.

— Bonjour, monsieur Richards. Bonjour, Arthur. Désirez-vous un soda ou un jus de fruits, monsieur Richards ?

Richards se rendit compte qu’il avait soif. Il faisait chaud, en dépit de la climatisation.

— Je prendrais volontiers un Rooty-Toot.

Killian alla chercher la boisson dans un frigo en vrai bois. Il tendit la bouteille en plastique à Richards, qui le remercia de la tête et s’assit.

— Monsieur Richards, je vous présente Fred Victor, réalisateur de
La Grande Traque
. Et voici Bobby Thompson, que vous connaissez certainement.

Thompson, bien sûr ! L’animateur de l’émission. Il portait une pimpante combinaison verte, légèrement iridescente. Sa chevelure longue et souple était d’un gris argenté trop superbe pour être vrai.

— Vous les teignez ? demanda Richards.

Thompson haussa ses sourcils impeccablement épilés.

— Pardon ?

— Peu importe.

— Il faut excuser M. Richards, intervint Killian en souriant. Il est d’une franchise parfois un peu brutale.

— Tout à fait compréhensible, dit Thompson en allumant une cigarette. (Richards eut l’impression de perdre pied : était-ce la réalité, ou rêvait-il ?) Compte tenu des circonstances.

Victor se leva.

— Venez avec moi s’il vous plaît, monsieur Richards.

Il le précéda vers la console. Le technico avait fini de réciter ses chiffres et était parti. Thompson effleura quelques boutons. Des vues du décor de
La Grande Traque
, prises sous divers angles, apparurent sur les écrans.

— Nous ne faisons jamais de répétition, lui expliqua Victor. Nous estimons que c’est mauvais pour la spontanéité. Dès son entrée, Bobby improvise. Il est très fort. Le show commence à 6 heures précises, heure de Harding. Bobby arrive sur l’estrade bleue, au centre. Après avoir salué les spectateurs, il vous présentera, en donnant une biographie succincte, illustrée par quelques photos. Vous serez en coulisses, sur la droite, flanqué par deux gardes. Ils entreront en scène avec vous, armés de fusils anti-émeutes. Si vous essayez de faire le malin, des aiguillons seraient plus pratiques, mais les fusils font plus d’effet, vous comprenez.

— Bien sûr, approuva Richards.

— Le public sera très agité, mais c’est ce que nous cherchons. Il veut que ça saigne, comme dans les matches de foot-à-mort.

— On pourrait me tirer dessus à blanc ? Avec quelques sacs de sang qui crèveraient au bon moment, ça ferait un sacré effet, non ?

Victor ne réagit pas.

— Maintenant, écoutez-moi bien. A l’appel de votre nom, vous entrez en scène avec les gardes. Dès que le public se sera un peu calmé, Bobby vous... interviewera. N’hésitez pas à vous exprimer avec violence ― inutile de mâcher vos mots. Tout ça, c’est du bon spectacle. Ensuite, vers 6 h 10, juste avant la première pub, on vous remettra votre avance et...
exit
, sans gardes. Par la gauche de la scène. Vous avez bien compris ?

— Oui. Et Laughlin, dans tout ça ?

Victor se renfrogna et alluma une cigarette.

— Il arrivera vers 6 h 15, après la pub. Nous préférons avoir deux concurrents parce qu’il arrive souvent qu’un d’eux soit... incapable d’échapper longtemps aux Chasseurs.

— Et vous gardez le gosse en réserve ?

— M. Jansky ? Oui. Mais cela ne vous concerne pas, monsieur Richards. Lorsque vous sortirez par la gauche, on vous remettra une caméra vidéo de la taille d’une boîte de cigares. Elle pèse trois kilos. Ainsi que soixante cassettes miniaturisées. Le tout tient aisément dans une poche. Un triomphe de la technologie moderne.

— Super.

Victor pinça les lèvres.

— Comme Dan vous l’a expliqué, vous n’êtes un concurrent qu’aux yeux des masses. En fait, vous êtes un travailleur, ne l’oubliez pas. Les cassettes peuvent être mises dans n’importe quelle boîte aux lettres ; elles nous seront transmises par exprès pour que nous puissions les diffuser le soir même. Si vous n’envoyez pas deux cassettes par jour, vous ne serez pas payé. C’est le règlement.

— Mais on continuera à me traquer.

— Exact. Donc, n’oubliez pas de poster ces cassettes. Cela ne trahira pas votre localisation. Les Chasseurs sont entièrement indépendants du Libertel.

Richards avait des doutes à ce sujet, mais il s’abstint de le dire.

— Dès que vous aurez l’équipement, vous serez escorté jusqu’à l’ascenseur direct, qui vous déposera à l’angle de la rue des Remparts. Ensuite, ce sera à vous de jouer. Seul. Pas de questions ?

— Non.

— Je crois que M. Killian a encore un ou deux détails à vous expliquer.

Ils regagnèrent la table, où Killian était en grande conversation avec Arthur M. Burns. Richards s’installa et demanda un autre Rooty-Toot. Killian le servit avec obligeance, puis le regarda de ses yeux étincelants.

— Comme vous le savez, monsieur Richards, vous quitterez le studio sans armes. Cela ne signifie pas que vous n’ayez pas le droit de vous en procurer, par n’importe quel moyen, légal ou non. Au contraire ! Vous ― ou vos héritiers ― toucherez un supplément de cent nouveaux dollars pour tout Chasseur ou représentant de la loi que vous réussiriez à éliminer. C’est...

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