The Running Man (4 page)

Read The Running Man Online

Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
9.67Mb size Format: txt, pdf, ePub

— Fin.

La liste continua. Après une bonne cinquantaine de mots, le docteur arrêta le chronomètre et posa le stylo.

— Bien... (Il croisa les bras et regarda Richards avec gravité.) Une dernière question, Ben. Je ne prétends pas être capable de déceler un mensonge rien qu’en l’entendant, mais la machine à laquelle vous êtes relié me donnera une indication assez précise. Aviez-vous une motivation suicidaire en décidant de tenter votre chance aux Jeux ?

— Non.

— Pour quelle raison le faites-vous, dans ce cas ?

— Ma petite fille est malade. Il lui faut un docteur. Des médicaments. Sans doute une hospitalisation.

Le docteur prit des notes.

— C’est tout ?

Richards était sur le point de répondre « oui » (cela ne les regardait pas, après tout), lorsqu’il se ravisa. Autant tout dire, ne serait-ce que pour le dire vraiment une fois, pour exprimer avec des mots ses sentiments confus, pour leur donner une forme concrète.

— Je suis au chômage depuis longtemps. Je veux travailler de nouveau, même si c’est pour devenir la victime d’un jeu truqué. Je veux subvenir aux besoins de ma famille. J’ai ma fierté. Avez-vous de l’orgueil docteur ?

— L’orgueil précède la chute, dit le médecin en rangeant son stylo. Si vous n’avez rien à ajouter monsieur Richards...

Il se leva. Que Richards eût ou non quelque chose à ajouter, l’entrevue était manifestement terminée.

— Non.

— La porte se trouve au fond du couloir à droite. Bonne chance.

— C’est ça, dit Richards.

Compte à rebours...
090

Dans le groupe de Richards, ils n’étaient plus que quatre. Les autres groupes avaient eux aussi été réduits dans la même proportion. La nouvelle salle d’attente était nettement plus petite. Les derniers « Y » et « Z » arrivèrent vers 4h 30. Peu auparavant, un assistant avait circulé avec un plateau de sandwiches insipides. Richards en mâchonna deux en écoutant un gars nommé Rettenmund raconter des histoires graveleuses, dont il possédait apparemment un réservoir inépuisable.

Lorsqu’ils furent tous réunis, un ascenseur les amena au quatrième étage. Il y avait une grande salle commune, des toilettes collectives et l’inévitable dortoir avec ses rangées de couchettes. Ils furent informés qu’un repas chaud serait servi à 7 heures dans la cafétéria adjacente.

Au bout d’un moment, Richards se leva et s’approcha du flic posté près du couloir.

— Il y a un téléphone quelque part ?

Richards ne pensait pas qu’il serait autorisé à téléphoner à l’extérieur, mais le policier se contenta de lui montrer la porte d’un geste dédaigneux du pouce. Il l’entrouvrit : il y avait effectivement un téléphone. Payant.

Il regarda de nouveau le flic.

— Dites... Il faut absolument que je donne un coup de fil. Vous ne pourriez pas me prêter cinquante cents ? Je...

— Allez vous faire voir.

Richards serra les mâchoires.

— Il faut que j’appelle ma femme. Notre bébé est malade. Mettez-vous à ma place, sacré nom !

Le flic eut un rire grinçant.

— Vous êtes tous pareils. Pour raconter des histoires, on peut compter sur vous ! Vous devez en avoir une pour chaque jour de l’année.

— Salaud ! dit Richards entre ses dents. (Quelque chose dans son regard, dans son attitude, obligea le flic à détourner les yeux.) Vous n’êtes pas marié ? Il ne vous est jamais arrivé d’être coincé et d’être obligé d’emprunter de l’argent, même si ça vous laisse un mauvais goût dans la bouche ?

Le flic porta brusquement la main à sa poche et en sortit une poignée de pièces en plastique. Il lança deux pièces de vingt-cinq nouveaux cents à Richards, rempocha le reste et l’agrippa par sa combinaison.

— Si jamais tu dis aux autres que Charlie Grady est une bonne poire et qu’ils peuvent venir le voir, je te réduis le crâne en bouillie, compris ?

— Merci, dit Richards sans se troubler. Pour le prêt.

Charlie Grady éclata de rire et le lâcha. Richards alla dans le couloir, décrocha et mit les pièces dans la fente. Il les entendit tomber avec un bruit sec, mais ce fut tout.
Bon Dieu, tout ça pour rien !
Enfin, la tonalité arriva. Il composa soigneusement le numéro du poste du cinquième étage, et attendit. Pourvu que ce ne soit pas la mère Jenner qui prenne la communication... en entendant sa voix, elle serait capable de raccrocher aussi sec. Et il aurait perdu son argent.

A la sixième sonnerie, une voix inconnue dit :

— Allô ?

— Je voudrais parler à Sheila Richards, au 5 C.

— Je crois qu’elle est sortie. (La voix se fit insinuante.) Elle traîne beaucoup dans le quartier, vous savez. La gosse est malade. Et son mari ne fait rien.

— Allez frapper quand même, insista-t-il sans réagir à l’insulte.

— Quittez pas.

Il entendit le combiné heurter le mur, puis la voix inconnue crier au loin :

— M’dame Richards, téléphone ! Téléphone pour vous !

La voix revint en ligne.

— Elle est pas là. J’entends la gosse pleurer, mais elle est pas là. (Un rire étouffé.) Comme je vous l’ai dit, elle traîne dans le coin...

Richards aurait voulu pouvoir se transporter par les fils du téléphone et surgir à l’autre bout, empoigner le propriétaire de cette voix par le cou et serrer jusqu’à ce que les yeux lui sortent de la tête.

— Prenez un message, alors. Ecrivez sur le mur, s’il faut.

— J’ai pas de crayon. Au revoir, je raccroche.

— Attendez ! cria Richards, pris de panique.

— Je... un instant. Je crois qu’elle monte les escaliers...

Richards s’adossa au mur, couvert de sueur. Un moment plus tard, il entendit la voix de Sheila. Méfiante. Presque apeurée.

— Allô ?

— Sheila...

Il ferma les yeux, se retenant à l’appareil pour ne pas tomber.

— Ben ! Ben, c’est toi... Ça va ?

— Ca va. Ca va bien. Et Cathy ? Est-ce que…

— Toujours pareil. Un peu moins de fièvre. Mais sa respiration est tellement sifflante... Je me demande si elle n’a pas de l’eau dans les poumons, Ben. J’ai peur que ça ne finisse par une pneumonie.

— Ça va s’arranger, Sheila. Ça va s’arranger.

— Je... (Elle se tut un long moment.) Je n’aime pas la laisser seule, mais il le fallait. J’ai fait deux passes ce matin. Je te demande pardon, Ben. J’ai pu acheter des médicaments au drugstore. Des bons médicaments. Très bons.

Elle le répétait pieusement, comme pour s’en convaincre elle-même.

— Ce qu’ils vendent au drugstore, c’est de la merde, dit-il. Ne fais plus jamais ça, Sheila, tu m’entends ? Je t’en supplie. Je crois que ça va marcher, ici. Vraiment. Au point où on en est, ils ne peuvent plus en éliminer beaucoup, parce qu’il y a trop de jeux. Il leur faut assez de chair à canon pour faire tourner la machine. Et je crois qu’ils donnent des avances. Mme Upshaw...

— Elle était affreuse, en noir, intervint Sheila d’une voix terne.

— Peu importe, Sheila. En tout cas, plus de passes. Tu restes avec Cathy.

— D’accord. Je ne sortirai plus. (Son ton n’était pas très convaincant.) Je t’aime, Ben.

— Moi aussi, je...

— Les trois minutes sont écoulées, intervint l’opératrice, si vous désirez continuer, remettez vingt-cinq nouveaux cents ou soixante-quinze anciens cents...

— Ne coupez pas ! hurla Richards. Un instant...

Clic
, et ce fut le silence. Il lança le combiné contre le mur : il se balança longuement au bout de son fil, comme un serpent d’une espèce inconnue, mort après avoir mordu une fois.

« 
Quelqu’un me paiera ça
, se dit Richards, encore sous le choc. Quelqu’un
doit
payer. »

Compte à rebours...
089

Ils restèrent au cinquième étage jusqu’au lendemain matin 10 heures. Richards était hors de lui de rage et de frustration. Enfin, un type un peu efféminé, portant une combinaison collante, leur demanda avec une politesse exagérée de gagner l’ascenseur. En tout, ils devaient être trois cents. Au cours de la nuit, soixante candidats avaient été éliminés en douceur. Dont le gars qui connaissait plein d’histoires obscènes.

Par groupe de cinquante, on les conduisit à un petit auditorium du cinquième étage. La salle était luxueuse, avec du velours rouge partout. Dans chaque accoudoir en vrai bois, il y avait un cendrier. Richards alluma une Blams. Il mit ses cendres par terre.

Au centre de la petite scène, se trouvait une table avec une carafe d’eau. Vers 10h 15, le type efféminé apparut et annonça :

— Arthur M. Burns, directeur adjoint des Jeux !

— Bravo ! fit une voix caustique derrière Richards.

Un gros homme avec une large tonsure cernée de cheveux gris arriva et inclina le buste, comme pour montrer qu’il appréciait des applaudissements que lui seul pouvait entendre. Lorsqu’il releva la tête, il arborait un sourire onctueux qui le faisait ressembler à un vieux cupidon en complet de businessman.

— Félicitations ! dit-il. Vous avez réussi !

Il y eut un immense soupir collectif, suivi de quelques rires. D’autres hommes allumèrent des cigarettes.

— Bravo ! répéta la voix acerbe.

— Dans un moment, vous allez recevoir les numéros de vos chambres du sixième étage et connaître votre affectation. Les producteurs délégués de vos Jeux respectifs vous expliqueront en détail ce que nous attendons de vous. Auparavant, je tiens à vous renouveler mes félicitations. Vous êtes des hommes courageux et pleins d’initiative, qui se refusent à vivre de la charité publique quand il existe des moyens de vivre comme des hommes. Dans mon esprit, vous êtes les véritables héros de notre temps.

— Couillonnades, fit remarquer la voix mordante.

— Au nom de tout le Réseau, je vous souhaite bonne chance.

Arthur M. Burns se frotta les mains avec un rire porcin.

— Je ne vais pas vous retenir plus longtemps avec mon bavardage. Vous devez être pressés de connaître vos affectations.

Une porte latérale s’ouvrit, livrant passage à une demi-douzaine d’assistants en tunique rouge, portant de petits casiers pleins d’enveloppes blanches. A l’appel de son nom, chacun en recevait une. Bientôt, le sol en fut jonché, tandis que les hommes examinaient avidement les cartes en plastique indiquant leur numéro de chambre et le Jeu pour lequel ils avaient été sélectionnés. Sous le regard souriant de Arthur M. Burns, les hommes lisaient les cartes, les montraient à de nouvelles connaissances, poussaient des cris d’enthousiasme ou des gémissements.

— Cette saloperie de
Vous l’aimez Très Chaud 
? Moi qui ai horreur de la chaleur...

— Un truc de dernière catégorie... ça passe juste après les émissions pour mômes.

— 
Moulin de la fortune 
! Ça alors ! Je savais pas que mon cœur était si malade...

— J’espérais avoir celui-là, mais je n’osais pas y croire vraiment...

— Dis donc, Jake, tu connais ça,
Nagez avec les crocos
 ? Ça me dit pas...

— ... du tout ce que je croyais...

— Tu crois vraiment qu’on a...

— Saloperie de merde !

— Ces
Sacrés Fusils
 !...

— Benjamin Richards ! Ben Richards !

— Ici !

Il ouvrit l’enveloppe avec des doigts qui tremblaient légèrement. Il dut s’y reprendre à deux fois pour en sortir la carte, qu’il regarda un long moment sans comprendre. Elle ne portait ni nom de programme, ni numéro de chambre, mais la simple mention
ASCENSEUR SIX
.

Il emporta la carte et sortit de l’auditorium. Les cinq premiers ascenseurs allaient et venaient sans relâche pour monter au sixième les concurrents des jeux de la semaine suivante. Quatre autres attendaient devant les portes fermées du sixième ascenseur.

Richards reconnut l’homme à la voix caustique. Dans les vingt-cinq ans, plutôt sympathique. Il avait un bras paralysé. Sans doute l’épidémie de polio qui avait fait des ravages en 2005. Surtout à Co-Op City.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Richards. Ils vont nous flanquer dehors ?

— Ça serait trop beau, répondit l’homme avec un rire sans joie. Je crois qu’on aura droit au bouquet, mon pote. Pas les Jeux où on finit à l’hôpital avec une attaque, un œil crevé ou un bras en moins... Non. Ceux où ils vous zigouillent carrément.

Un sixième gars arriva, un jeune, qui ne cessait de tout regarder avec ébahissement, en clignant des yeux.

— Salut, petit, dit l’homme à la voix caustique.

A 11 heures, lorsqu’il n’y eut plus qu’eux dans le hall, les portes de l’ascenseur 6 s’ouvrirent. Il y avait de nouveau un flic armé au fond.

— Tu vois ? lui dit l’homme. On est des individus dangereux. Des ennemis publics. Ils vont nous liquider.

Il prit une expression de méchant gangster et arrosa le fond de l’ascenseur avec une mitraillette imaginaire.

Le flic le gratifia d’un regard bovin.

Compte à rebours...
088

La salle d’attente du septième étage était très intime, très douillette, très luxueuse.

Ils n’étaient plus que trois : Richards, l’homme à la voix acerbe et le gosse à l’air surpris. A l’arrivée de l’ascenseur, les trois autres avaient été pris en charge par des flics, qui les avaient escortés vers un couloir garni d’une épaisse moquette.

Une réceptionniste qui fit vaguement penser Richards à une sex-star du temps jadis (Liz Kelly ? Grace Taylor ?) les accueillit avec une politesse exquise. Elle était assise dans une alcôve pleine de plantes vertes : un petit coin de jungle équatoriale.

— Monsieur Janskv ? dit-elle avec un sourire presque convaincant. Vous pouvez entrer.

Le gosse à l’air surpris entra dans le Saint des Saints. Richards et l’homme à la voix acerbe, qui s’appelait Jimmy Laughlin, bavardèrent, sur leurs gardes. Richards apprit que Laughlin habitait Dock Street, à cinq minutes de chez lui. Jusqu’à l’année précédente, il travaillait à mi-temps comme nettoyeur de machines chez General Atomics. Il avait été licencié à la suite d’une grève sur le tas pour protester contre le mauvais état des boucliers antiradiations.

— En tout cas, je suis vivant, dit-il. Selon ces crétins, c’est tout ce qui compte. Bien sûr, je suis stérile. Mais ça, ça ne compte pas ! C’est un des petits risques qu’il faut courir pour gagner la somme mirobolante de sept nouveaux dollars par jour.

Other books

Major Attraction by Julie Miller
Guardian of the Abyss by Shannon Phoenix
The End of Diabetes by Joel Fuhrman
Icebound Land by John Flanagan
A Cold Legacy by Megan Shepherd
The Order of the Poison Oak by Brent Hartinger
Observe a su perro by Desmond Morris