Le Lis et le Lion (49 page)

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Authors: Druon,Maurice

Tags: #Historique

BOOK: Le Lis et le Lion
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[22]
Ce séjour secret d’Édouard III en France dura quatre jours, du 12
au 16 avril 1331, à Saint-Christophe-en-Halatte.

[23]
Le
roi d’armes
, personnage qui avait des fonctions
d’ordonnateur, présidait à toutes les formalités du tournoi.

[24]
La compagnie des Tolomei, comme nous l’avons dit précédemment, était
la plus importante des compagnies siennoises, après celle des Buonsignori. Sa
fondation remontait à Tolomeo Tolomei, ami ou tout au moins familier
d’Alexandre III, pape de 1159 à 1181, lui-même siennois, et qui fut
l’adversaire de Frédéric Barberousse. Le palais Tolomei à Sienne fut édifié en
1205. Les Tolomei furent souvent les banquiers du Saint-Siège ; ils
établirent leurs filiales en France vers le milieu du XIII
ème
siècle, d’abord autour des foires de Champagne, puis en créant de nombreux
comptoirs, dont celui de Neauphle, avec une maison principale à Paris.

Au moment des ordonnances de
Philippe VI, et quand de nombreux négociants italiens furent emprisonnés
pendant trois semaines pour ne recouvrer leur liberté qu’au prix de versements
considérables, les Tolomei partirent subrepticement, emportant toutes les
sommes déposées chez eux soit par d’autres compagnies italiennes, soit par
leurs clients français, ce qui créa d’assez sérieuses difficultés au Trésor.

[25]
Ces « remontrances » avaient été poussées fort loin puisque
Jean de Luxembourg, pour complaire à Philippe VI, avait monté une
coalition et menacé le duc de Brabant d’envahir ses terres. Le duc de Brabant
préféra expulser Robert d’Artois, mais non sans avoir, à cette occasion,
négocié une opération fructueuse : le mariage de son fils aîné avec la
fille du roi de France. Jean de Bohême, de son côté, fut remercié de son
intervention par la conclusion du mariage de sa fille Bonne de Luxembourg avec
l’héritier de France, Jean de Normandie.

[26]
Le 2 octobre 1332. Le serment demandé par Philippe VI à ses
barons était un serment de fidélité au duc de Normandie « 
qui
droit
hoir et droit sire doit être du royaume de France
 ». N’étant pas
héritier direct de la couronne et n’ayant reçu celle-ci que par choix des
pairs, Philippe VI revenait aux coutumes de la monarchie élective, celle
des premiers Capétiens.

[27]
Jean Buridan, né vers 1295 à Béthune en Artois, était disciple
d’Occam. Son enseignement philosophique et théologique lui valut une immense
réputation ; il devint à trente ou trente-deux ans recteur de l’Université
de Paris. Sa controverse avec le vieux pape Jean XXII, et le schisme
qu’elle faillit entraîner, accrurent encore sa célébrité. Il devait, dans la
seconde partie de sa vie, se retirer en Allemagne où il enseigna principalement
à Vienne. Il mourut en 1360.

Le rôle que l’imagination populaire
lui prêta dans l’affaire de la tour de Nesle est de pure fantaisie et
n’apparaît d’ailleurs que dans des récits de deux siècles postérieurs.

[28]
On relève, dans les comptes du trésorier de l’Échiquier, pour les
seuls premiers mois de 1337 : en mars, un ordre de payer deux cents livres
à Robert d’Artois comme don du roi ; en avril, un don de trois cent
quatre-vingt-trois livres, un autre de cinquante-quatre livres, et l’octroi des
châteaux de Guilford, Wallingford et Somerton ; en mai, l’attribution
d’une pension annuelle de douze cents marcs esterlins ; en juin, le
remboursement de quinze livres dues par Robert à la Compagnie des Bardi, etc.

[29]
L’imagination du romancier hésiterait devant pareille coïncidence, qui
semble vraiment trop grossière et volontaire, si la vérité des faits ne l’y
obligeait. D’avoir été le lieu où fut présenté le défi d’Édouard III, acte
qui ouvrit juridiquement la guerre de Cent Ans, ne termine pas d’ailleurs
l’étrange destin de l’hôtel de Nesle.

Le
connétable Raoul de Brienne, comte d’Eu, habitait l’hôtel de Nesle lorsqu’il
fut arrêté en 1350 par ordre de Jean le Bon pour être condamné à mort et
décapité.

L’hôtel
fut encore le séjour de Charles le Mauvais, roi de Navarre (le petit-fils de
Marguerite de Bourgogne), qui prit les armes contre la maison de France.

Plus tard,
Charles VI le Fou devait le donner à sa femme, Isabeau de Bavière, qui
livra par traité la France aux Anglais en dénonçant son propre fils, le
dauphin, comme adultérin.

À peine
l’hôtel fut-il donné à Charles le Téméraire par Charles VII que ce dernier
mourut, et que le Téméraire entra en conflit avec le nouveau roi Louis XI.

François I
er
céda une partie des bâtiments à Benvenuto Cellini ; puis Henri II y
fit installer un atelier pour la fabrication des pièces de monnaie, et la Monnaie
de Paris est toujours à cet emplacement. On voit par là l’ampleur qu’avait
l’ensemble du terrain et des édifices.

Charles IX,
pour pouvoir payer ses gardes suisses, fit mettre en vente l’hôtel et la Tour
qui furent acquis par le duc de Nevers, Louis de Gonzague ; celui-ci les
fit raser pour édifier à la place l’hôtel de Nevers.

Enfin
Mazarin se rendit acquéreur de l’hôtel de Nevers pour le démolir et le
remplacer par le Collège des Quatre Nations, qui subsiste toujours : c’est
le siège aujourd’hui de l’Institut de France.

[30]
La reine Isabelle devait vivre encore vingt ans, mais sans reprendre
jamais aucune participation aux affaires de son siècle. La fille de Philippe le
Bel mourut le 23 août 1358, au château de Hertford, et son corps fut inhumé en
l’église des franciscains de Newgate à Londres.

[31]
En dépit des luttes politiques, émeutes, rivalités entre les classes
sociales ou avec les cités voisines qui sont le lot commun des républiques
italiennes à cette époque, Sienne connut au XIV
ème
siècle sa grande période
de prospérité et de gloire, autant pour ses arts que pour son commerce. Entre
l’occupation de la ville par Charles de Valois en 1301 et sa conquête en 1399
par Jean Galeazzo Visconti, duc de Milan, le seul malheur véritable qui
s’abattit sur Sienne fut l’épidémie de peste de 1347-1348.

[32]
Tout le temps
qu’il passa en Avignon, Pétrarque ne cessa d’exhaler, avec un rare talent de
pamphlétaire, sa haine contre cette ville. Ses lettres, où il faut faire la
part de l’exagération poétique, nous ont laissé une saisissante peinture
d’Avignon au temps des papes.

« … J’habite maintenant, en France, la Babylone de
l’Occident, tout ce que le soleil voit de plus hideux, sur les bords du Rhône
indompté qui ressemble au Cocyte ou à l’Achéron du Tartare, où règnent les
successeurs, jadis pauvres, du pêcheur, qui ont oublié leur origine. On est
confondu de voir, au lieu d’une sainte solitude, une affluence criminelle et
des bandes d’infâmes satellites répandus partout ; au lieu de jeûnes
austères, des festins pleins de sensualité ; au lieu de pieuses
pérégrinations, une oisiveté cruelle et impudique ; au lieu des pieds nus
des apôtres, les coursiers rapides des voleurs, blancs comme la neige, couverts
d’or, logés dans l’or, rongeant de l’or, et bientôt chaussés d’or. Bref, on
dirait les rois des Perses ou des Parthes, qu’il faut adorer et qu’il n’est pas
permis de visiter sans leur offrir des présents… »

(Lettre V)

 

« … Aujourd’hui Avignon n’est plus une ville, c’est la
patrie des larves et des lémures ; et pour le dire en un mot, c’est la
sentine de tous les crimes, et de toutes les infamies ; c’est cet enfer
des vivants signalé par la bouche de David… »

(Lettre VIII)

 

« … Je sais par expérience qu’il n’y a là aucune
pitié, aucune charité, aucune foi, aucun respect, aucune crainte de Dieu, rien
de saint, rien de juste, rien d’équitable, rien de sacré, enfin rien d’humain…
Des mains douces, des actes cruels ; des voix d’anges, des actes de
démons ; des chants harmonieux, des cœurs de fer… »

(
Lettre
XV
)

 

« … C’est le seul endroit de la terre où la raison n’a
aucune place, où tout se meurt sans réflexion et au hasard, et parmi toutes les
misères de cet endroit, dont le nombre est infini, le comble de la déception
c’est que tout y est plein de glu, de grappins, en sorte que, quand on croit
s’échapper on se trouve enlacé et enchaîné plus étroitement. En outre il n’y a
là ni lumière ni guide… Et, pour employer le mot de Lucain, « une nuit
noire de crimes » Vous ne diriez pas un peuple, mais une poussière que le
vent fait tournoyer… »

(Lettre XVI)

 

« … Satan regarde en riant ce spectacle et prend
plaisir à cette danse inégale, assis comme arbitre entre ces décrépits et ces
jeunes filles… Il y avait dans le nombre (des cardinaux) un petit vieillard
capable de féconder tous les animaux ; il avait la lascivité d’un bouc ou
s’il y a quelque chose de plus puant qu’un bouc. Soit qu’il eût peur des rats
ou des revenants, il n’osait pas dormir seul. Il trouvait qu’il n’y a rien de
plus triste et de plus malheureux que le célibat. Il célébrait tous les jours
un nouvel hymen. Il avait depuis longtemps dépassé la soixante-dixième année et
il lui restait tout au plus sept dents… »

(Lettre XVIII)

(Pétrarque,
Lettres sans titre
, à Cola de Rienzi, tribun de Rome, et à d’autres.)

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