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Authors: Trierweiler,Valérie

Tags: #Autobiographie

Merci pour ce moment

BOOK: Merci pour ce moment
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Merci pour ce moment

se prolonge sur le site
www.arenes.fr

 

Coordination éditoriale et révision du texte :

Aleth Le Bouille, Maude Sapin

Mise en pages : Chloé Laforest

 

© Éditions des Arènes, Paris, 2014

Tous droits réservés pour la langue française

 

Éditions des Arènes

27 rue Jacob, 75006 Paris

Tél. : 01 42 17 47 80

[email protected]

ISBN version papier : 978-2-35204-385-0

ISBN version numérique : 978-2-35204-386-7

À vous trois,

À mes trois,

À eux trois.

«
I
l va falloir ouvrir les malles », m’avait conseillé Philippe Labro, après l’élection de François Hollande. L’écrivain, homme de médias, est une personne pour laquelle j’ai un immense respect, mais je n’ai pas su lui obéir. Je n’arrivais pas à me résoudre à montrer qui j’étais. Il n’était pas question de dévoiler des éléments sur ma vie, ma famille ou mon histoire avec le Président. J’ai fait l’inverse, j’ai tout verrouillé, tout cadenassé.

Les journalistes devaient pourtant écrire et parler. Souvent par ignorance, parfois aussi par goût du scandale, ils ont commencé à faire le portrait d’une femme qui me ressemblait si peu. Plus d’une vingtaine de livres, des dizaines de unes de magazines, des milliers d’articles ont paru. Autant de miroirs déformants, décalés, construits avec des supputations et des on-dits, quand il ne s’agissait pas de pures affabulations. Cette femme avait mon nom, mon visage et pourtant je ne l’ai pas reconnue. J’ai eu le sentiment que ce n’était pas simplement ma vie privée que l’on me volait, mais la personne que j’étais.

Je croyais pouvoir résister à tout, tellement j’étais barricadée. Mais plus les assauts étaient violents, plus je me fermais. Les Français ont vu mon visage se figer et parfois se crisper. Ils n’ont pas compris. À un moment je n’osais même plus affronter la rue, ni le regard des passants.

Et puis en quelques heures de janvier 2014, ma vie a été dévastée et mon avenir a volé en éclats. Je me suis retrouvée seule, étourdie, secouée de chagrin. Il m’est apparu comme une évidence que la seule manière de reprendre le contrôle de ma vie était de la raconter. J’ai souffert de ne pas avoir été comprise, d’avoir été trop salie.

J’ai donc décidé de briser ces digues que j’avais construites, et de prendre la plume pour raconter mon histoire, la vraie. Alors que je n’ai cessé de combattre pour protéger ma vie privée, il me fallait en livrer une partie, donner quelques clés sans lesquelles rien n’est compréhensible. Dans cette histoire folle, tout se tient. Et j’ai trop besoin de vérité, pour surmonter cette épreuve et aller de l’avant. Je le dois à mes enfants, à ma famille, aux miens. Écrire est devenu vital. Pendant des mois, la nuit et le jour, dans le silence, j’ai « ouvert les malles »…

« Le silence de l’être aimé

est un crime tranquille. »

Tahar Ben Jelloun

L
e premier message me parvient le mercredi matin. Une amie journaliste m’alerte : « 
Closer
sortirait vendredi en une des photos de François et de Gayet. » Je réponds laconiquement, à peine contrariée. Cette rumeur m’empoisonne la vie depuis des mois. Elle va, vient, revient et je n’arrive pas à y croire. Je transfère ce message à François, sans commentaire. Il me répond aussitôt :

– Qui te dit ça ?

– Ce n’est pas la question, mais de savoir si tu as quelque chose à te reprocher ou non.

– Non, rien.

Me voilà rassurée.

Au fil de la journée, la rumeur continue cependant d’enfler. François et moi parlons l’après-midi et dînons ensemble sans aborder le sujet. Cette rumeur a déjà été l’objet de disputes entre nous, inutile d’en rajouter. Le lendemain matin, je reçois un nouveau texto d’un autre ami journaliste : « Salut Val. La rumeur Gayet repart, elle serait en une de
Closer
demain, mais tu dois déjà être au courant. » Je transfère à nouveau le message à François. Cette fois-ci, pas de réponse. Il est en déplacement près de Paris, à Creil, auprès des armées.

Je demande à un de mes vieux copains journaliste, qui a gardé des contacts au sein de la presse people, de sortir ses antennes. Les coups de fil en provenance des rédactions se multiplient à l’Élysée. Tous les conseillers en communication de la Présidence sont pressés de questions par les journalistes sur cette couverture hypothétique.

La matinée se passe en échanges avec des proches. Il est prévu que je rejoigne l’équipe de la crèche de l’Élysée autour d’un repas, préparé par le cuisinier des petits. Nous avons initié ce rituel l’année passée. Une douzaine de femmes s’occupent des enfants du personnel et des conseillers de la Présidence. Un mois plus tôt, nous avons fêté Noël ensemble, avec les parents de la crèche. François et moi avons distribué les cadeaux, lui était parti vite, comme à chaque fois, j’étais restée un long moment à discuter avec les uns et les autres. Heureuse dans ce havre de paix.

Ce déjeuner me réjouit, mais je me sens déjà oppressée, comme à l’approche d’un danger. La directrice de la crèche nous attend à la porte, de l’autre côté de la rue de l’Élysée. Patrice Biancone, un ancien confrère de RFI devenu mon fidèle chef de cabinet, m’accompagne. En arrivant, je retire de ma poche mes deux téléphones portables : l’un pour le travail et la vie publique ; l’autre pour François, mes enfants, ma famille et mes amis proches. La table a été dressée comme pour un jour de fête, les visages sont joyeux. Je masque mon malaise et glisse mon téléphone privé près de mon assiette. « Fred », le cuisinier, nous apporte ses plats, tandis que les assistantes maternelles alternent autour de la table, afin de se relayer auprès des petits.

En 2015, la crèche de l’Élysée va fêter ses trente ans. Elle a accueilli près de six cents enfants, notamment ceux du Président lorsqu’il était conseiller à l’Élysée. Pour célébrer cet événement, j’ai le projet de réunir les anciens bébés devenus grands. Journaliste à
Paris-Match
depuis vingt-quatre ans, j’imagine sans peine la jolie photo que peut donner ce rassemblement dans la cour de l’Élysée. Nous voulons baptiser la crèche du nom de Danielle Mitterrand, qui l’a créée en octobre 1985. Désormais ambassadrice de la fondation France Libertés, je prends en charge cet anniversaire. Je promets de faire une note rapidement à Sylvie Hubac, la directrice de cabinet de François Hollande, pour valider le projet et obtenir un budget.

Le téléphone vibre. Mon ami journaliste est allé « à la pêche aux infos » et me confirme la sortie de
Closer
avec en une la photo de François, en bas de chez Julie Gayet. Mon cœur explose. J’essaie de ne rien montrer. Je tends mon téléphone à Patrice Biancone, afin qu’il lise le message. Je n’ai aucun secret pour lui : « Regarde, c’est au sujet de notre dossier. » Le ton de ma voix est le plus plat possible. Nous sommes amis depuis près de vingt ans, un regard suffit à nous comprendre. Je prends un air détaché : « Nous verrons ça tout à l’heure. »

Je m’efforce de revenir à la conversation avec les membres de la crèche, alors que les pensées s’entrechoquent dans mon esprit. Nous en sommes à l’épidémie de varicelle. Tout en hochant la tête, je préviens François par
sms
de l’information de
Closer.
Ce n’est plus une rumeur, mais un fait.

– Voyons-nous à 15 heures à l’appartement, me répond-il aussitôt.

C’est l’heure de prendre congé de la directrice de la crèche. Une rue, une toute petite rue à traverser. C’est la route la plus périlleuse de toute ma vie. Bien qu’aucune voiture non autorisée ne puisse l’emprunter, j’ai le sentiment de traverser une autoroute les yeux fermés.

Je gravis rapidement l’escalier qui mène à l’appartement privé. François est déjà dans la chambre, dont les hautes fenêtres donnent sur les arbres centenaires du parc. Nous nous asseyons sur le lit. Chacun du côté où nous avons l’habitude de dormir. Je ne peux prononcer qu’un seul mot :

– Alors ?

– Alors, c’est vrai, répond-il.

– C’est vrai quoi ? Tu couches avec cette fille ?

– Oui, avoue-t-il en s’allongeant à demi, appuyé sur son avant-bras.

Nous sommes assez près l’un de l’autre sur ce grand lit. Je n’arrive pas à accrocher son regard, qui se dérobe. Les questions se bousculent :

– Comment c’est arrivé ? Pourquoi ? Depuis quand ?

– Un mois, prétend-il.

Je reste calme, pas d’énervement, pas de cris. Encore moins de vaisselle cassée comme la rumeur le dira ensuite, m’attribuant des millions d’euros de dégâts imaginaires. Je ne réalise pas encore le séisme qui s’annonce. Peut-il laisser entendre qu’il est seulement allé dîner chez elle ? Je le lui suggère. Impossible, il sait que la photo a été prise au lendemain d’une nuit passée rue du Cirque. Pourquoi pas un scénario à la Clinton ? Des excuses publiques, un engagement à ne plus la revoir. Nous pouvons repartir sur d’autres bases, je ne suis pas prête à le perdre.

Ses mensonges remontent à la surface, la vérité s’impose peu à peu. Il admet que la liaison est plus ancienne. D’un mois, nous passons à trois, puis six, neuf et enfin un an.

– Nous n’y arriverons pas, tu ne pourras jamais me pardonner, me dit-il.

Puis il rejoint son bureau pour un rendez-vous. Je suis incapable d’honorer le mien, je demande à Patrice Biancone de recevoir mon visiteur à ma place. Je reste cloîtrée tout l’après-midi dans la chambre. J’essaie d’imaginer ce qu’il va se passer, rivée à mon téléphone portable, guettant sur Twitter les prémices du scoop annoncé. Je tente d’en savoir plus sur la tonalité du « reportage ». J’échange par
sms
avec mes plus proches amis, je préviens chacun de mes enfants et ma mère de ce qui va sortir. Je ne veux pas qu’ils apprennent ce scandale par la presse. Ils doivent se préparer.

François revient pour le dîner. Nous nous retrouvons dans la chambre. Il semble plus abattu que moi. Je le surprends à genoux sur le lit. Il se prend la tête entre les mains. Il est dans un état de sidération :

– Comment allons-nous faire ?

Il utilise furtivement le « nous » dans une histoire où je n’ai plus guère ma place. C’est la dernière fois, bientôt seul le « je » comptera. Puis nous tentons de dîner dans le salon, sur la table basse, comme nous le faisons lorsque nous cherchons un peu plus d’intimité ou quand nous voulons abréger les repas.

Je ne peux rien avaler. J’essaie d’en savoir plus. Je passe en revue les conséquences politiques. Où est le Président exemplaire ? Un président ne mène pas deux guerres tout en s’évadant dès qu’il le peut pour rejoindre une actrice dans la rue d’à côté. Un président ne se conduit pas comme ça quand les usines ferment, que le chômage augmente et que sa cote de popularité est au plus bas. À cet instant-là, je me sens davantage atteinte par le désastre politique que par notre faillite personnelle. Sans doute ai-je encore l’espoir de sauver notre couple. François me demande d’arrêter cette litanie de conséquences désastreuses ; il sait tout cela. Il avale quelques bouchées et retourne dans son bureau.

Me voici à nouveau seule avec mes tourments, alors qu’il a convoqué une réunion dont j’ignore tout. « On » va parler de mon sort, sans que je sois tenue au courant ni de qui ni de quoi. À 22h30, il revient. Il ne répond pas à mes questions. Il paraît perdu, déboussolé. Je décide d’aller voir Pierre-René Lemas, le secrétaire général de l’Élysée, que je préviens par téléphone. François me demande ce que je lui veux.

– Je ne sais pas, j’ai besoin de voir quelqu’un.

À mon tour d’emprunter ce petit couloir quasi secret qui relie l’appartement privé et l’étage présidentiel. À mon arrivée, Pierre-René ouvre grand ses bras. Je m’y réfugie. Pour la première fois, je m’effondre en larmes et c’est contre son épaule. Il est comme moi, ne comprend pas comment François a pu se lancer dans pareille histoire. Contrairement à beaucoup d’autres conseillers, Pierre-René a toujours été bienveillant. Depuis presque deux ans, il a souvent subi les accès de mauvaise humeur de François dans la journée. Le soir, c’était à mon tour de servir de paratonnerre. Nous nous soutenions l’un l’autre. Nous échangeons quelques mots. Je lui explique que je suis prête à pardonner. J’apprendrai ensuite qu’un communiqué de rupture a déjà été évoqué lors de cette première réunion. Mon sort est scellé, mais je ne le sais pas encore.

Retour à la chambre. Une longue nuit quasi blanche commence. Avec toujours les mêmes questions qui tournent en boucle. François avale un somnifère pour échapper à cet enfer et dort quelques heures à l’autre bout du lit. À peine une heure de sommeil et je me lève vers 5 heures pour regarder les chaînes d’info dans le salon. Je grignote les restes froids du dîner, laissés sur la table basse, et enchaîne sur l’écoute des radios. L’« information » est le premier titre des matinales. Les évènements deviennent subitement concrets. La veille encore tout me semblait irréel.

François se réveille. Je sens que je ne vais pas y arriver. Je craque, je ne peux pas entendre ça, je me précipite dans la salle de bains. Je saisis le petit sac en plastique, caché dans un tiroir au milieu de mes produits de beauté. Il contient des somnifères, plusieurs sortes, sous forme liquide ou en pilules. François m’a suivie dans la salle de bains. Il tente de m’arracher le sac. Je cours dans la chambre. Il attrape le sac qui se déchire. Des pilules s’éparpillent sur le lit et le sol. Je parviens à en récupérer quelques-unes. J’avale ce que je peux. Je veux dormir, je ne veux pas vivre les heures qui vont arriver. Je sens la bourrasque qui va s’abattre sur moi et je n’ai pas la force d’y résister. Je veux fuir d’une façon ou d’une autre. Je perds connaissance. Je ne pouvais pas espérer mieux.

Je n’ai aucune idée du temps pendant lequel j’ai dormi. Sommes-nous le jour ? la nuit ? Que s’est-il passé ? Je sens qu’on me réveille. J’apprendrai ensuite que nous sommes en fin de matinée. Au-dessus de moi, comme à travers une nappe de brouillard, j’aperçois le visage de deux de mes meilleurs amis, Brigitte et François. Brigitte m’explique que je peux être hospitalisée, qu’elle a préparé ma valise. Dans la pièce d’à côté, deux médecins attendent. Olivier Lyon-Caen, le conseiller santé à l’Élysée, a pris les choses en main et appelé le professeur Jouvent, qui dirige le service de psychiatrie de la Pitié-Salpêtrière. L’un et l’autre me demandent si je suis d’accord pour être hospitalisée. Que faire d’autre ? J’ai besoin qu’on me protège de cet ouragan même si, à cet instant, je sais à peine qui je suis et ce qu’il se passe. Je n’y arriverai pas seule.

Je demande à voir François avant de partir, l’un des médecins s’y oppose. Je trouve la force de dire que je ne partirai pas sinon… On va le chercher. Lorsqu’il apparaît, je reçois un nouveau choc. Mes jambes se dérobent, je m’écroule. Le voir me renvoie à sa trahison. C’est encore plus violent que la veille. Tout s’accélère. La décision de m’emmener est prise aussitôt.

Je suis incapable de tenir debout. Les deux officiers de sécurité se placent chacun d’un côté, m’empoignent sous les bras et me soutiennent autant qu’ils le peuvent. L’escalier paraît interminable. Brigitte suit avec mon sac, un joli sac que l’équipe qui travaille avec moi à l’Élysée m’a offert pour les voyages officiels à l’occasion de mon anniversaire. Mais nous sommes loin de l’apparat des réceptions. La première dame ressemble à une poupée de chiffon disloquée, incapable de se tenir debout, ni de marcher droit. Brigitte m’accompagne en voiture. Je reste silencieuse tout au long du chemin. Impossible de parler.

Je suis prise en charge dès mon arrivée et installée en un rien de temps dans un lit d’hôpital. Mais quel cauchemar m’a donc conduite là, perfusée et revêtue d’une chemise de nuit de l’Assistance publique ? Plongée dans un sommeil profond. Combien de temps : un jour, deux jours ? Je ne sais pas, j’ai perdu toute notion d’horloge. Mon premier réflexe au réveil est de me précipiter sur mes deux téléphones portables. Ils sont introuvables. Le médecin m’explique qu’on me les a confisqués « pour me protéger du monde extérieur ». J’exige de les récupérer, je menace de partir. Devant ma détermination, les médecins acceptent de me les rendre.

Je vois débarquer dans ma chambre, en blouse blanche, l’officier de sécurité qui m’accompagne depuis l’élection du Président. Pour plus de discrétion, il est installé sur une chaise à l’entrée de ma chambre, déguisé en infirmier. C’est lui qui veille sur les visites autorisées ou non. Elles sont rares. J’ignore encore que tout est sous contrôle. Et pas sous le mien. Cette affaire personnelle est traitée comme une affaire d’État. Je ne suis plus qu’un dossier.

Je confirme à un journaliste l’information de mon hospitalisation. Je sens qu’il se passe quelque chose du côté de l’Élysée. Mon impression se vérifie. Aussitôt la nouvelle connue, « ils » veulent me faire sortir. La première dame à l’hôpital, ce n’est pas bon pour l’image du Président. D’ailleurs pas grand-chose n’est bon pour son image dans cette histoire. Et surtout pas cette photo de lui prise rue du Cirque avec son casque sur la tête. Cette fois, je résiste et déclare au médecin que je veux rester encore quelques jours. Où aller ? Rentrer rue Cauchy, chez moi, chez nous ? Je suis tellement shootée que je ne tiens pas debout, ma tension est descendue à 6. Un jour, elle est tellement basse qu’elle ne peut même plus être mesurée.

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